Publié le Vendredi 8 mai 2020 à 15h12.

« Au labo, comme partout, nous faisons face au manque de matériel depuis le début de l’épidémie »

 

Témoignage d'une infirmière en labo.

Je suis infirmière préleveuse en laboratoire d'analyse médicale. Je travaille dans le labo d'une clinique privée participant au service public, à but non lucratif – le deuxième établissement de santé de l'agglomération. Notre clinique est en « Plan Blanc » depuis le début de la crise sanitaire : nous avons réduit notre activité au maximum pour augmenter notre capacité de réanimation et prendre en charge au mieux les patientEs atteints du Covid-19, sans exposer les autres. Le laboratoire est resté ouvert pour les patientEs externes.

Manque de matériel de protection

Comme partout, nous faisons face au manque de matériel depuis le début de l'épidémie. Nous avions un masque chirurgical par jour et par professionnelLE. Depuis un mois environ, c'est deux par jour. Nous n'avons pas eu de masques FFP2. Nous devons être vigilants et nous restreindre sur l'utilisation du gel hydroalcoolique, et des masques pour les patientEs. Nous ne leur en donnons que s’ils ou elles ont de la toux, de la fièvre ou ont été en contact avec unE malade du Covid-19.

Être préleveuse en labo, ça veut dire que je fais des prises de sang mais également des prélèvements vaginaux, de plaies... Mes collègues et moi sommes donc à moins d'un mètre de nos patientEs en permanence. Il y a eu une baisse d'activité mais nous avons prélevé certains jours jusqu'à une cinquantaine de personnes (en temps normal c'est une centaine). Et tout ça sans blouse intégrale, ni sur-blouse, ni charlotte, ni visière, ni masques pour les patientEs. Nous n'avons qu'une blouse longue en haut mais nous travaillons en dessous avec nos pantalons et nos tee-shirts personnels. Nous devons porter ces blouses plusieurs jours de suite car on ne nous en fournit que quatre par semaine. Dès le début, nous avons demandé des blouses intégrales (haut et bas) comme dans les services d'hospitalisation. Cela nous a été refusé. Probablement car cela implique de nous fournir une prime d'habillage et de déshabillage, de réorganiser nos vestiaires et le circuit du linge du labo.

Concernant les bureaux d'accueil du laboratoire, ils n'ont été équipés en plexiglass que courant avril. Avant cela, les secrétaires médicales étaient donc exposées également, car elles étaient au contact direct des patientEs pour enregistrer leurs dossiers. Mais elles continuent à être amenées à manipuler les sachets transportant les écouvillons des test de dépistage Covid-19 sans guère plus de protections.

Nous avons reçu des visières de l'ARS la semaine dernière, soit plus d'un mois après le début du confinement…

Concernant les tests de dépistage du COVID-19

Les tests réalisés en interne dans les services de soins passent par le labo pour être enregistrés. Mais, ils sont ensuite envoyés au labo du CHU de la ville par une coursière. En effet, nous étions dans l'incapacité jusqu'à présent de les réaliser au labo malgré la présence de l'automate adapté, car nous n'avons pas pu recevoir le réactif. Notre fournisseur était en rupture de stock et nous n'étions pas prioritaires.

Par contre, il est intéressant de noter que, sur la ville, outre le labo du CHU, les laboratoires des grands groupes privés lucratifs (Oriade, Eurofins) ont bien reçu le réactif et ont pu assez rapidement se mettre à faire les tests de dépistage de façon « massive » (à la chaîne) dans leurs locaux, sur leurs parkings, organiser des drives etc. Ils avaient le matériel pour protéger leurs préleveurEs et les installations extérieures, facilement nettoyables et permettant un accueil individuel des patientEs. Ces groupes ont également fermé certains de leurs laboratoires de ville – mettant leur personnel au chômage technique – pour se concentrer uniquement sur les tests du Covid-19. Il ne font même plus les prises de sang éventuelles qui sont demandées en plus des tests. Les patientEs viennent donc ensuite chez nous pour ce geste. Un test de dépistage est payé 54 euros par la sécurité sociale. Il faut croire que le coronavirus est rentable pour ces labos.

Cette semaine les choses semblent bouger car nous sommes en discussion avec l'ARS pour installer un drive de dépistage devant le labo à partir de fin mai. Nous devrions recevoir du réactif, des moyens de protection, et une tente devrait être installée devant le labo pour faire les tests, plus de deux mois après le début de la pandémie….