Utilisé contre l’épilepsie ou les troubles bipolaires, l’acide valproïque est commercialisé depuis 1967 sous les noms de Dépakine®, Dépakote® ou Micropakine® par le laboratoire Sanofi. Un médicament utile et efficace, mais que les spécialistes soupçonnent, dès 1980, de favoriser les malformations congénitales s’il est prescrit chez la femme enceinte...
Dans les années 2000, le risque de retard de développement et de troubles du spectre autistique est pointé. En septembre 2009, la revue médicale Prescrire, indépendante des laboratoires, écrit que l’acide valproïque présente des risques malformatifs dose dépendant, entraînant pour les enfants exposés in utero des effets ultérieurs néfastes décelables à l’âge scolaire sur le quotient intellectuel, sur le langage et le comportement. Elle déconseille « son usage tout au long de la grossesse et chez les femmes en âge de procréer sans contraception efficace ».
Mais Sanofi et les responsables gouvernementaux de la santé en France ne lancent pas véritablement l’alerte. Les parents ne sont pas réellement informés des risques. Une association d’aide aux parents d’enfants souffrant du syndrome de l’anti-convulsivant est créée, l’Apesac. C’est sa présidente, Marine Martin, qui lance l’alerte.
14 000 femmes enceintes exposées
Le scandale éclate quand une étude de l’assurance maladie établit que, malgré les recommandations, plus de 14 000 femmes enceintes ont été exposées au valproate de sodium entre 2007 et 2014. Un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales parle d’au moins 450 cas de malformations congénitales, et dénonce « un manque de réactivité des autorités sanitaires et de celui du principal titulaire de l’autorisation de mise sur le marché », le groupe Sanofi-Aventis.
Il aura fallu attendre janvier 2016 pour qu’enfin les conditions de prescription soient modifiées : prescription initiale par un neurologue ou un psychiatre, utilisation uniquement en dernier recours s’il n’y a pas d’alternative, information des femmes sur le risque de toxicité fœtale, avec signature d’un protocole d’accord, surveillance très pointue en cas de grossesse.
Marisol Touraine déclare qu’un fonds d’indemnisation des victimes sera voté. Mais le représentant de Sanofi refuse de dire si Sanofi paiera. Complicité dans le silence des autorités de santé et des laboratoires, rôle des lanceurs d’alerte... Encore une fois, les capitalistes de Big Pharma ont montré qu’ils aiment moins nos vies que leurs profits.
Frank Cataloup