Entretien. Le mardi 5 juin 2018, une annonce dans la presse locale résonne comme un coup de tonnerre. On y apprend que ce que craignait la population depuis plusieurs années vient d’arriver : la maternité du Blanc fermera provisoirement pour des raisons liées à un « manque de sécurité ». Dans la foulée, un collectif d’habitantEs se met en place. Mais en octobre, le couperet tombe : la maternité ne rouvrira pas. Dès cette annonce une délégation de « servantes écarlates » envahit l’ARS à Orléans. Le ton est donné : ils et elles ne lâcheront rien. Après un an de lutte, le point avec Anne, Bertrand et Jérémy, membres du collectif.
Après un an de combat, où en êtes-vous ?
Bertrand : La maternité est toujours fermée et nous nous opposons au centre de périnatalité proposé à la place. Aujourd’hui nous continuons les actions avec récemment un pique-nique, réunissant 150 personnes, réalisé devant l’hôpital du Blanc. Cette action s’inscrivait dans une démarche de convergence avec d’autres initiatives qui avaient lieu en France. Puis il y a aussi eu un dépôt de plainte contre X de 4 femmes enceintes pour mise en danger de la vie d’autrui.
En matière de convergence, le collectif a rapidement compris qu’il ne pouvait pas resté isolé dans son combat. C’est bien pour cela que lors de l’occupation de la maternité, il a reçu des délégations d’hôpitaux de Vierzon, Poitiers, Blois, Châteauroux ou encore Toulouse.
D’ailleurs, le collectif était à l’organisation de la deuxième rencontre des « mater’ en colère » les 22 et 23 mars. Une bonne occasion pour des collectifs de défense de maternités de se retrouver le temps d’un week-end pour échanger et travailler à la convergence.
Comment expliquez-vous l’implication de la population locale dans cette lutte et son rayonnement national ?
Jérémy : On a affaire à un territoire pas très militant. Tout est parti d’associations d’éducation populaire où des gens se côtoyaient et s’appréciaient. Petit à petit ça s’est ouvert à des personnes différentes en misant sur la responsabilisation de chacun. En gros, si tu as une idée, tu motives des gens du collectif avec toi et généralement une fois que c’est prêt l’ensemble du groupe suit. Notre force c’est la réactivité et la possibilité de mobiliser du monde très rapidement. Si on a moins de réactivité, on a moins de médias, donc on perd en visibilité. Il faut aussi dire qu’on avait des « spécialistes » en communication. Et le point positif, c’est qu’il n’y a pas eu la volonté de leadership d’un syndicat ou d’un parti politique, ce qui explique la confiance entre nous et la bonne ambiance.
Bertrand : La maternité ça reste un symbole, c’est plus facile à mobiliser les gens pour une maternité que pour un commissariat. [rires] C’est surtout un symbole car derrière la fermeture de la maternité, c’est la fermeture du service de chirurgie qui risque d’arriver.
Jérémy : C’est aussi le symbole d’un bon service de qualité qu’on ferme, et ça ne passe pas auprès de la population.
Face à la volonté de la direction de l’hôpital, de l’ARS et du ministère de la Santé de ne pas revenir en arrière sur ce dossier, des procédures juridiques ont été lancées.
Anne : L’arrêté de fermeture provisoire a été contesté au mois de juin 2018 auprès du tribunal administratif par la mairie du Blanc et le comité de défense des usagers. La demande de référé suspension a été refusée en juillet 2018.
Puis, l’arrêté de fermeture définitive a été contesté à son tour au TA, par deux procédures simultanées visant la direction et l’ARS :
– la mairie du Blanc, la CDC Cœur de Brenne et des citoyens d’une part ;
– la CDC Brenne Val de Creuse, le PNR Brenne et le comité de défense d’autre part.
La demande de référé suspension a été jugée en janvier 2019 devant le TA de Limoges et refusée dans les deux cas en février 2019 sans explication.
Malgré tout, les deux procédures suivent leur cours pour le jugement complet du dossier sur la forme (procédure) et sur le fond. Il ne sera pas jugé de l’opportunité de la décision mais de sa légalité. Cette procédure peut prendre plusieurs mois.
En parallèle a été déposée une demande d’annulation de la fusion du CH du Blanc avec le CH Châteauroux au titre de l’illégalité de la forme employée : l’ARS a réalisé une fusion-absorption alors même que cette forme là n’était pas encore reconnue. Cette fusion a donc donné lieu à l’absorption du CH du Blanc par Châteauroux, sans modification d’identité ni de forme, alors qu’une nouvelle structure intercommunale aurait dû voir le jour. Ainsi l’ensemble des représentants du Blanc ont été évincé des différentes structures internes de décision ne permettant plus de garder la main sur les décisions qui s’en sont suivi, ni de défendre les intérêts des personnels, soignants et usagers du site du Blanc ! Cette procédure est en cours…