Publié le Mardi 20 juillet 2021 à 17h30.

Leur pass sanitaire renforce le scepticisme vaccinal

En fermant bars, restaurants, culture, centres commerciaux et transports longue distance aux non-vaccinéEs, Macron a annoncé de fait le reconfinement brutal de celles et ceux qui n'ont pas pu ou pas voulu se faire vacciner.

 

Macron a rempli les centres de vaccination, dont la fréquentation stagnait depuis juin, mais pour combien de temps, et a aussi réussi à jeter dans la rue plus d'une centaine de milliers de personnes qui refusent le pass sanitaire, qui refusent les menaces de mise à pied des soignantEs non vaccinés, qui refusent de devenir les auxiliaires d'une police qui, elle, n'aura pas besoin d'être vaccinée ! Des personnes loin d'être touTEs anti-vax, mais qui disent souvent « Je ne suis pas contre la vaccination, mais je n'ai pas confiance ». Et qu'il sera encore plus difficile de convaincre demain. Alors que c'est la seule solution face à la vague delta qui enfle. Alors qu'on sait avec l'étude de l'institut Pasteur que les non-vaccinéEs contribuent 12 fois plus que les vaccinéEs à la diffusion de l'épidémie. Convaincre cette frange de la population qui n'a pas confiance est pourtant la priorité des priorités.

Couverture vaccinale et niveau de vie se superposent

Pas confiance dans ce gouvernement qui nous a menti sur les masques et les tests. Un gouvernement dont le président jurait que le pass sanitaire ne servirait jamais pour les lieux de la vie quotidienne. Un gouvernement dont le ministre de la Justice a « oublié » de déclarer 300 000 euros et se trouve désormais mis en examen dans une autre affaire, soupçonné de « prise illégale d’intérêts ». Pas confiance non plus dans Big Pharma, après les affaires Mediator et Dépakine. Pas davantage confiance dans Doctolib et le stockage des données de santé par les Gafa.

Parfois seulement oubliéEs de la vaccination, alors que syndicats enseignants ou Ligue contre l'obésité ont pendant des mois demandé l'accès aux vaccins, et que le gouvernement faisait la sourde oreille. Souvent simplement oubliéEs du système de santé : couverture vaccinale et niveau de vie se superposent étroitement. Dans le Grand Paris, Clichy-sous-Bois est la moins vaccinée… et la plus pauvre. Et Neuilly une des plus vaccinées… Une réalité sociale oubliée par la politique de vaccination gouvernementale, qui s'est concentrée sur l'âge et les facteurs de risque sans voir en quoi ils se combinent avec la pauvreté, le mal logement. Parmi les 20% de non vaccinés fragiles face au covid, premières victimes de la prochaine vague, notamment les obèses ou diabétiques, combien font partie des plus pauvres ?

L'épidémie se moque des pass sanitaires

Le pass sanitaire, c'est l'échec de la politique de santé publique d'un gouvernement autoritaire et discrédité. Les pays qui ont largement réussi à vacciner leur population, Angleterre, Israël, sont ceux qui ont un système de santé public de proximité habitué aux campagnes de prévention, jouissant de la confiance des habitantEs qu'ils suivent au quotidien. Et cela marche. À Bordeaux, l’équipe de Linda Cambon a initié un dialogue bienveillant sur la vaccination avec les soignants du CHU, qui a permis de convaincre quasiment 100% du personnel. Toute démocratie sanitaire « exige le débat et l’échange darguments entre tous les acteurs de terrain », comme le souligne une tribune de soignantEs1. « Aller vers » les personnes âgées, isolées, les précaires, les publics fragiles, en milieu rural comme en milieu urbain, comme le réclame l'Union syndicale de la psychiatrie.

Certains sont soulagés par le pass, espérant y voir un avenir sans covid. Ils ont tort. Car la contrainte sera finalement insuffisante et comme toujours contre-productive. Si en plus on y ajoute le futur déremboursement des tests covid non-prescrits par un médecin, qu'on ose appeler « de confort », et l'isolement contraint, les plus précaires, les moins symptomatiques ne vont pas se faire tester, ne vont pas s'isoler, ne pourront prévenir leurs contacts. Et l'épidémie se développera.

« Les pays les plus riches auront beau vacciner l'ensemble de leur population, le problème ne sera pas réglé tant que l'ensemble de la population mondiale n'aura pas la possibilité de lutter contre la pandémie » souligne l'Observatoire de la transparence dans les politiques du médicament « sous peine que le virus revienne […] sous forme de variants, en partie résistants aux vaccins ». L'épidémie n'a pas de frontière et se moque des pass sanitaires. Elle a besoin de démocratie, de mobilisation populaire, de lits et de personnels, de la fin des brevets et de la réquisition de l'industrie pharmaceutique, de protection des données de santé face aux Gafa, pour convaincre les hésitantEs et toucher les plus éloignés de la vaccination.

  • 1. « Vaccination obligatoire des soignants : "pourquoi le gouvernement se trompe de combat" », lexpress.fr, 6 juillet 2021.