Après avoir mené une « grève » plus médiatique que réelle, avec la fermeture des cabinets médicaux entre Noël et le jour de l’an, les principaux syndicats de médecins libéraux appellent désormais à une « grève administrative »...
En refusant la « télétransmission », les médecins « grévistes » espèrent paralyser les caisses de Sécurité sociale, avec pour conséquence des retards de remboursement aux patientEs de plusieurs semaines. Ils continuent donc d’être payés, et seuls les patientEs ont à subir les conséquences financières de la « grève ». Médias et politiques de droite et de gauche, toujours prompts à dégainer contre les cheminotEs ou les pilotes en grève (et non payés) qui « prennent en otage la population » restent cette fois silencieux...Cette grève a pour but essentiel le refus du tiers payant, et le danger « d’étatisation » contenu, selon les principaux syndicats de médecins libéraux, dans le projet de loi de santé du gouvernement.Le tiers payant, qui s’applique déjà à la pharmacie et à certains actes de soins, consiste à dispenser le malade de l’avance de fonds, le remboursement étant directement effectué par la Sécurité sociale et l’assurance complémentaire. Alors qu’une personne sur quatre renonce à des soins pour des raisons financières, l’extension du tiers payant aux consultations de médecins libéraux éviterait que des patientEs ne renoncent à des soins ou les diffèrent pour des raisons financières. Il serait parfaitement légitime que les médecins libéraux exigent du gouvernement des garanties quant à l’application du tiers payant : une rémunération rapide, et sans complications administratives. La solution pourrait être un « guichet unique » de l’Assurance maladie. Mais c’est le principe même de la gratuité des soins qu’ils contestent, au nom d’arguments inacceptables : dévalorisation des actes médicaux, consultations injustifiées...
Contre la loi TouraineRien d’étonnant de la part de syndicats ultra libéraux et très marqués à droite, que sont le SML (syndicat des médecins libéraux) ou la CSMF (Confédération des syndicats médicaux français), mais le glissement sur ces positions de MG France (la fédération française des médecins généralistes, une sorte de CFDT médicale regroupant les médecins plus à gauche) est significatif. Seul le SMG (syndicat de la médecine générale), très minoritaire, sauve l’honneur de la profession en refusant de s’associer à la grève.Si le malaise est bien réel chez les généralistes, ce n’est pas dans la défense d’intérêts corporatistes et réactionnaires – le paiement à l’acte, générateur de course aux actes, le refus du tiers payant, la défense des dépassements d’honoraires et de la liberté d’installation intégrale (favorisant les déserts médicaux) – qu’il trouvera une solution.Cette contestation est finalement une aubaine pour le gouvernement, qui peut ainsi présenter sa loi de santé comme progressiste. Il n’en est pourtant rien, le but essentiel de la loi Touraine étant de réduire la place de l’hôpital Public et de transférer ses missions au secteur privé.Les cliniques privées et les médecins libéraux se mobilisent contre le minimum d’obligations qui leur serait imposées en contrepartie de cette privatisation. C’est ce qu’ils appellent « l’étatisation ». Les patrons des cliniques ont déjà largement obtenu gain de cause. Par leur mobilisation, les syndicats de médecins libéraux espèrent y parvenir.C’est en effet dans le cadre de la privatisation de la santé que doit être comprise la généralisation du tiers payant par le gouvernement : rendre acceptable par les patientEs le remplacement des établissements hospitaliers de proximité par des professionnels libéraux.Le combat des médecins libéraux contre la loi Touraine est donc à l’exact opposé de celui que mènent les défenseurs du service public et de la Sécurité sociale pour l’accès de tous aux soins, ils ne peuvent converger.
J.C. Delavigne