Alors que, selon les derniers chiffres de l’Assurance maladie, 71,7 % de la population en France a reçu une dose de vaccin, l’actualité sociale de cette rentrée reste marquée par les manifestations anti-pass. Des manifestations qui, s’il s’y exprime une défiance légitime à l’égard de la politique autoritaire et anti-sanitaire du gouvernement, sont largement influencées par des courants de pensée et des forces réactionnaires, qui ne posent nullement les problèmes en termes de santé publique mais seulement de « liberté individuelle ».
Si nous ne pouvons que refuser et combattre le pass sanitaire, cette énième restriction des libertés publiques parmi toutes celles mise en œuvre par le gouvernement depuis le début de cette pandémie mondiale (et avant), force est de constater que les manifestations du samedi réunissent des intérêts et des mots d’ordre disparates, aux tonalités par ailleurs différentes d’une région à l’autre. À Paris, ce ne sont pas moins de huit cortèges séparés qui ont défilé samedi dernier, dont un ouvertement mené par l’extrême droite et Florian Philippot. Certaines manifestations sont même très fortement influencées par la complosphère, avec parfois des expressions ouvertement antisémites.
De la défiance à l’égard de Big Pharma à l’influence complotiste
Et ce n’est peut-être ni tout à fait un hasard ni tout à fait anodin. La défiance qui s’exprime dans ces mouvements de colère est en effet le fruit de la gestion calamiteuse du gouvernement, qui n’a fait que protéger les profits et non la population. En l’absence d’une campagne de santé publique en faveur de la vaccination, appuyée d’arguments scientifiques et motivée par le bien commun, on peut comprendre qu’une partie des travailleurEs doutent. Ils et elles se méfient de Big Pharma et du fait qu’à toute force on veuille les faire retourner à une vie « normale », c’est-à-dire une vie d’exploitation pour les profits d’une minorité.
Et ce sont les courants de pensée libertariens et/ou anti-sciences qui en profitent, voire des forces politiques organisées qui n’ont rien à offrir aux travailleurEs. C’est à un autre genre de « profiteurs de guerre » que nous avons affaire avec ces prétendus défenseurs des libertés, qui malheureusement influencent aussi des milieux progressistes. Ces courants et ces forces organisées sont anti-pass comme elles étaient il y a quelques mois contre les masques, parce qu’au fond quelque 4,5 millions de morts à l’échelle de la planète ne sont qu’une grippette à leurs yeux. Qu’ont-ils à faire d’un vaccin, eux ? Comme si les catastrophes se résumaient à un décompte macabre sans aucune conséquence.
La liberté individuelle que ces courants défendent, c’est une liberté de choix comme seul le capitalisme peut en offrir, c’est-à-dire une liberté individualiste de survivre en étant opprimé ou exploité, quitte à marcher sur les autres, quitte à crever. Ils surfent sur la peur, bien légitime au demeurant, en donnant une vision du monde dans lequel les oppriméEs restent opprimés par un grand complot. Quelle solution proposent-ils pour que l’humanité et l’ensemble du vivant avancent ensemble ? Aucune.
Pass sanitaire contre services publics de santé publique
D’autres solutions s’offrent à notre camp social. Bien sûr, le pass sanitaire est une infâme ruse pour contrôler les populations. Il ne fait qu’ajouter de la division parmi les travailleurEs. Les anticapitalistes, les révolutionnaires ainsi que l’ensemble du mouvement ouvrier ont une responsabilité particulière dans le contexte. Car le pass sanitaire, du point de vue des intérêts de notre classe et du plus grand nombre, ne peut être combattu efficacement ni de façon individuelle ni indépendamment d’une politique de santé publique. Notre camp social ne peut s’opposer au pass qu’en proposant une politique de santé publique aux antipodes de celle du gouvernement Castex.
Le pass sanitaire pose plus que jamais la nécessité pour notre camp de s’unir en affirmant collectivement que nous sommes contre l’obligation vaccinale déguisée en QR code et en faveur de protections collectives :
– pour la gratuité des masques et des dépistages sans conditions ;
– pour un service public de santé à la hauteur des besoins ;
– pour la socialisation des brevets (médicaments et traitement) ;
– pour l’expropriation de l’industrie pharmaceutique ;
– pour une campagne de vaccination à grande échelle.
La rue est à nous le 5 octobre et après
Ces mesures défendues parfois séparément, le mouvement ouvrier n’a pas été capable de les faire entendre à grande échelle et de les opposer dans la rue le samedi aux théoriciens actuels de la liberté individuelle de ne pas être vaccinés, de ne pas porter le masque…
Elles font pourtant bien partie d’un ensemble de mesures en faveur des services publics et pour l’égalité, l’égalité d’accès aux soins, par exemple. La journée d’action du 5 octobre à l’appel de l’intersyndicale CGT-FO-FSU-Solidaires en faveur des services publics, pour l’abandon des deux réformes injustes de l’Assurance chômage et des retraites peut être l’occasion de faire entendre ces mots d’ordre, tout en défendant les libertés publiques. Certes, la grève du 5 octobre apparaît bien lointaine en cette rentrée, elle est pourtant une réponse unitaire à construire dans chaque entreprise et chaque quartier, loin de la frénésie médiatique et des réseaux sociaux. Construire la mobilisation autour de cette date est sûrement l’occasion de réunir notre camp social derrière des mots d’ordre émancipateurs et anticapitalistes !