Comme on pouvait le craindre, le 28 novembre, l’abrogation de la réforme des retraites à l’occasion de la « niche parlementaire » de LFI n’a pas eu lieu.
La pantalonnade orchestrée par les partis au gouvernement (macronistes, droite et centre) qui avaient déposé plus de 900 amendements a empêché le vote dans les délais impartis.
Cet échec était prévisible. Il est la conséquence des choix faits par les principales composantes politiques du NFP, y compris la France insoumise depuis le deuxième tour des élections législatives. En se cantonnant à une bataille interne aux institutions antidémocratiques de la 5e République, elles ne se sont pas donné les moyens de briser les résistances et de remporter un succès : une leçon à tirer pour l’avenir dans les comités de base du NFP, actuellement en constitution.
Le rejet de la contre-réforme des retraites imposée à coups de 49.3, malgré plusieurs mois de mobilisation et l’hostilité générale a été l’une des causes de l’effondrement électoral de la macronie lors des législatives.
Au cours de la campagne, le Nouveau Front populaire avait, à juste titre, fait de l’abrogation de cette loi, l’un des principaux points de son programme.
Combat parlementaire
Au lendemain des élections, le NFP est devenu la première force politique au Parlement. Porté par la mobilisation réussie, dans l’unité, pour éviter l’arrivée au pouvoir de l’extrême droite, il avait une position de force. Son exigence de gouverner pour appliquer son programme aurait pu alors se concrétiser par une campagne dans les villes et les quartiers pour l’abrogation de la contre-réforme des retraites.
Un climat aurait ainsi pu être créé pour une « rentrée sociale » où les organisations syndicales, associatives, politiques auraient pu faire monter la mobilisation sociale pour l’abrogation. Les débats parlementaires auraient alors pu prendre une tout autre tournure.
Ce ne fut pas la voie choisie par les principales composantes politiques du NFP (LFI comprise) qui n’envisagèrent l’abrogation que sous l’angle du combat parlementaire, faisant les salariéEs et les classes populaires les spectateurs impuissants de débats sur lesquels ils et elles n’avaient aucune prise. Les déclarations comme celles de Manon Aubry le 8 juillet 2024, affirmant que l’abrogation pourrait être faite « en une heure et par décret » n’ont fait qu’encourager la démobilisation.
Le NFP a perdu l’initiative
En se plaçant sur ce terrain le NFP a perdu l’initiative. Le Rassemblement national, premier à disposer d’une « niche parlementaire », a pu dès lors, se poser en force d’opposition en déposant son projet de loi « d’abrogation », au moment même où il négociait l’austérité avec le gouvernement Barnier.
Le 28 novembre, sans aucun rapport de force construit préalablement, le sort du projet de loi de la France insoumise était presque scellé : il a suffi à la macronie et à la droite d’utiliser l’une des mille et une ficelles que leur offrent les institutions pour faire échouer dès le départ l’abrogation de la contre-réforme. L’appel à se mobiliser lancé le jour même du vote, sans aucune préparation, ne pouvait être qu’un baroud d’honneur, sans efficacité.
Alors que la situation politique et sociale se tend, avec le plan d’austérité du gouvernement et les vagues de licenciements, le débat sur la stratégie du NFP pour appliquer son programme et faire face à la situation devient une urgence. L’échec du 28 novembre montre la nécessité d’une stratégie s’appuyant sur la prise en main par les salariéEs et les classes populaires de leurs propres affaires. Condition, même si rien n’est jamais gagné à l’avance, pour obtenir des victoires et redonner l’espoir.
J. C. Delavigne