S'en prendre au code du travail et aux conventions collectives est un « classique » du patronat depuis plusieurs années. Jusqu’à présent, un accord d’entreprise ne pouvait pas, sauf dispositions particulières, être moins favorable aux salariés qu’un accord de branche. Le patronat savait contourner ces principes, mais ce verrou est tout de même en train de sauter.L'accord national inter-professionnel, l'ANI, signé par le Medef, la CFDT, CGC et CFTC, et transcrit dans la loi votée en mai 2013 par une majorité de députés PS et UMP ouvre la voie au démantèlement tant rêvé par le patronat. On est maintenant dans la phase des « travaux pratiques ».
Le laboratoire de l'industrie automobileLe patronat de l'automobile n'avait pas attendu le vote formel de l'ANI pour appliquer cette politique. Il a seulement les coudées encore plus franches pour persévérer, avec le soutien affiché du gouvernement. L'objectif est partout le même : amplifier la flexibilité et réduire les coûts de production en combinant blocage ou baisse des salaires avec une augmentation du temps de travail. Les promesses d'emplois sont pour plus tard et n'engagent en fait que ceux qui les croiraient...Les ouvriers de Continental à Clairoix en ont supporté les conséquences fin 2007, la direction imposant le passage aux quarante heures, payées trente-sept et demie, soi-disant pour sauver les emplois. Résultat : l'usine a fermé début 2010. La direction de General Motors a procédé de même à Strasbourg avec le même type de référendum chantage et aujourd’hui une usine en vente...Les deux constructeurs PSA et Renault sont à la manœuvre. L'accord Renault signé le 13 mars 2013 par des syndicats complaisants entérine la suppression de 8 560 emplois d'ici à 2016, l'augmentation de la durée du travail tant en rythme quotidien qu'en suppression de jours de congés, et la baisse du pouvoir d'achat. PSA a attendu la fin de la grève de l'usine d'Aulnay pour lancer des discussions. Pour la direction, la référence est l'accord signé dans son usine de Sevelnord en juin 2012 : gel des salaires pendant trois ans, obligation aux salariés de travailler vingt minutes de plus par jour selon les aléas de la production, en étant prévenus seulement deux heures à l'avance. Un an après, suppression de 340 nouveaux postes d'ici à 2014.
Le chantage à l'accordUn rouleau compresseur patronal est incontestablement en marche. Il manie le chantage à l'emploi, entreprise par entreprise, plaçant salariés et équipes syndicales, même combatives, sur la défensive. Alors que les promesses de garantie d'emploi annoncées en contrepartie des droits attaqués ne sont, dans la plupart des cas, pas tenues, elles créent des illusions parmi les salariés. Les référendums-chantages organisés par le patronat le montrent.L'accord signé notamment par SUD et la CGT dans l'usine Bosch de Rodez en Aveyron a entériné une baisse des effectifs au moyen de départs d'âge et d'une modération salariale, cela en échange d'une promesse de maintenir l'activité. Enfermés dans une action circonscrite à cette seule usine, salariés et militants syndicaux étaient largement condamnés à ne pouvoir que limiter les dégâts.Les résistances qui pointent dans quelques usines n'en sont que plus significatives. Ainsi, dans l'usine SOVAB qui fabrique à Batilly (54) les véhicules utilitaires Renault, des débrayages mobilisant plusieurs centaines de salariés se sont opposés à l'application des dispositions de la direction. « Refusons de travailler plus pour pas un rond de plus » titrait le tract unitaire CGT, CFTC, SUD et FO appelant à l'action.L'enjeu dépasse les résistances locales nécessaires. Alors que la politique patronale vise à déployer son chantage entreprise par entreprise, les réponses doivent être à la hauteur de ces défis. Pour sortir par le haut du piège patronal, l'urgence est à la convergence des luttes fournissant un rapport des forces plus favorable aux salariés.
Jean-Claude Vessilier