Le patronat veut profiter de la négociation Agirc-Arrco pour marquer des points sur l’âge de la retraite et la pénibilité. Les reculs qu’il exige concernent tous les retraités.
Des « négociations » sont en cours sur les principales complémentaires du privé, l’Agirc (Association générale des institutions de retraite des cadres) et l’Arrco (Association pour le régime de retraite complémentaire des salariés) pour tous les salariéEs. Ces régimes concernent 18 millions de cotisantEs et 12 millions de retraitéEs qui reçoivent un complément de pension pesant environ un tiers dans leur retraite.Les réserves des régimes sont importantes (78 milliards d’euros au total) mais elles sont érodées par un déficit provenant du décalage entre cotisations et retraites versées (5,6 milliards d’euros en 2014 réduits à 3,1 milliards après prise en compte des revenus financiers des réserves placées).La raison du décalage cotisations/retraites versées se trouve dans la faible croissance, la précarité et le chômage qui pèsent sur les recettes, alors que l’espérance de vie augmente. L’inégalité de salaires entre hommes et femmes pèsent également sur les régimes (moins de salaire pour les femmes signifie moins de cotisations). Il faudrait une hausse des cotisations des entreprises, mais le patronat s’arc-boute sur le refus de les augmenter, sauf de façon symbolique, et en échange de concessions importantes des syndicats sur les retraites versées... Ce sont en effet les prétendus « partenaires sociaux » (organisations patronales et syndicales représentatives) qui cogèrent les caisses complémentaires.
Un terrain d’expérimentationPour le patronat, ces régimes sont un terrain d’expérimentation de ce qu’il souhaite pour l’ensemble des retraites. Les caisses ont ainsi mis en œuvre un gel des pensions en 2013 et 2014, puis une revalorisation inférieure à l’inflation. C’est la caisse des cadres (Agirc) qui serait la plus en difficulté pour les années qui viennent (épuisement des réserves en 2018).Depuis le début des « négociations », les organisations patronales ont tapé très fort : décote de 40 % sur les pensions en cas de départ à 62 ans, puis diminution de cette décote qui ne disparaît qu’avec un départ à 67 ans ; baisse supplémentaire du pouvoir d’achat des retraites, qui s’éloigneront encore plus de l’inflation officielle (revalorisation inférieure de 1,5 point à l’inflation au lieu de 1) ; modification des règles de calcul de la pension pour les nouveaux retraités ; des réversions en baisse et versées plus tard ; la fin de la caisse des cadres en fusionnant les deux caisses, ce qui revient à faire aider les cadres par tous les salariéEs...La CGT propose, elle, une hausse des cotisations Agirc (qui signifierait un alignement des cotisations cadres et non-cadres) et la mise en place d’une contribution prenant en compte la situation des entreprises en matière d’égalité salariale femmes-hommes.
Au moins 65 ans...En fait, au-delà des déficits de l’Agirc et de l’Arrco, le patronat remet sur le tapis la question de l’âge de départ dans le régime général qu’il veut remonter à au moins 65 ans. Il veut aussi obtenir des concessions supplémentaires du gouvernement sur la pénibilité pour réduire un peu plus l’impact du dispositif... qu’il avait au départ pourtant accepté.L’équilibre des caisses de retraite est possible en augmentant les recettes : augmenter les salaires, payer les femmes autant que les hommes, partager le travail disponible et supprimer le chômage... Éric Aubin, le négociateur CGT, s’est félicité du refus de tous les syndicats face aux propositions actuelles du Medef, mais il faudrait une action plus déterminée pour le faire reculer, d’autant que l’on sait que certains syndicats, notamment la CFDT, sont prêts à transiger sur l’abattement.
Henri Wilno