Publié le Dimanche 8 janvier 2012 à 12h57.

Attaquer les droits sociaux pour nous faire payer la crise

La crise économique qui sévit depuis plusieurs années sur la plus grande partie de la planète fournit le prétexte aux politiques de régression mises en œuvre dans toujours plus de pays.

Et si tout avait commencé dans le pays aujourd’hui présenté comme le modèle économique qui résiste le mieux à la crise, l’Allemagne ? Dans un programme au nom prémonitoire, « Agenda 2010 », le gouvernement d’alliance « rouge-verte » de Schröder-Fischer a largement anticipé des mesures qui font aujourd’hui rêver nombre de gouvernements de droite ou de gauche. D’une part, endiguer la baisse des taux de profit en réduisant de façon draconienne les salaires. D’autre part, développer des secteurs sources d’emplois, comme l’aide à la personne, grâce à des emplois aidés et des salaires de misère. La funeste loi Harz iv a ainsi permis la généralisation des emplois précaires, la baisse des prestations sociales, la montée de la pauvreté et le développement des inégalités. 8 millions de personnes dont de nombreux travailleurs pauvres vivent ainsi avec une misère de 369 euros.

Ce sont ces deux voies traditionnelles que la plupart des gouvernements ont suivi jusqu’à maintenant : licenciements, suppressions de postes et précarisation de l’emploi d’un côté, austérité salariale de l’autre.Avec le développement de la crise, de nombreux gouvernements ont multiplié les mesures de régression sociale. Partout les services publics sont parmi les premières victimes de ces politiques : privatisation, non-remplacement des départs en retraite, suppression de postes. Blocages des salaires et croissance inégalée du chômage viennent compléter ces politiques.

Mais face à la durée et à l’aggravation de la crise, bourgeoisies et gouvernements savent qu’ils vont être obligés de frapper plus fort. Déjà bien engagés, ces plans ont abouti, pour le seul secteur de l’automobile aux États-Unis, à des centaines de milliers de suppressions d’emplois (de 1,7 million en 1980 à moins de 700 000 aujourd’hui), avec des régions comme le Michigan, des villes comme Flint ou Detroit qui en sortent ravagées socialement et économiquement. Detroit, ville de 2 millions d’habitants dans les années 1970, n’en compte plus que 800 000 aujourd’hui, avec des quartiers entiers désertés. En France, ce sont déjà, rien que chez PSA, des centaines de postes d’intérimaires, CDD, prestataires qui vont passer à la trappe et des milliers de suppressions de postes en CDI, voire des fermetures de sites qui sont programmées.

Pour imposer cette politique, il leur faut des modifications importantes des rapports de forces tels qu’ils sont inscrits dans l’ensemble des relations sociales. Ce sont tous les systèmes de convention collective et des pans entiers du code du travail qui doivent être mis en cause. La branche automobile, pilier de bien des économies développées, est aussi parmi les plus touchées dans cette première phase de récession. Elle sert aussi de banc d’essai aux politiques de régression sociale. Aux États-Unis, en Italie, en Pologne, en Slovénie, en Espagne, en France, les blocages des salaires et les liquidations de sites ne suffisent pas à faire face au suréquipement et à la surproduction globale. Pour passer à la phase suivante, les patrons ont entamé une nouvelle offensive. Des accords, avec chantage à la fermeture de sites, sont proposés aux syndicats, prévoyant non seulement des blocages de salaires mais aussi des embauches avec des salaires près de deux fois inférieurs à ceux des salariés en poste, des quasi-interdictions de faire grève, des sanctions pour arrêt maladie voire des sorties du cadre des convention collectives. Les syndicats non-signataires se retrouvent exclus de représentation dans l’entreprise soit totalement (États-Unis) soit de fait (Italie). En cas de réticences syndicales, les patrons recourent à des référendums, avec toujours le même chantage à l’emploi, qui leur permettent de contourner les organisations syndicales (France, Italie).

Pour les organisations syndicales, l’enjeu est décisif. Soit elles perdent encore plus de crédit comme outil de défense des intérêts immédiats des travailleurs comme l’United Automobile Workers (UAW) aux États-Unis où la majorité des syndicats italiens, espagnols ou polonais, soit ils s’engagent dans une bataille difficile dans laquelle leur existence avec les moyens traditionnels, concédés dans l’après-guerre par les bourgeoisies, est remise en cause. La FIOM (Fédération des travailleurs employés dans la métallurgie) et moins clairement la CGIL (Confédération générale italienne du travail) en Italie hésitent dans leur choix. Demain, en France, la CGT ou la FSU peuvent être prises dans les mêmes contradictions. Les militantEs anticapitalistes ne peuvent être indifférentEs à ces enjeux et doivent être doublement impliquéEs dans la construction d’un rapport de forces plus favorable au salariat et dans les débats qui traversent le mouvement syndical

Robert Pelletier

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