Les « négociations conventionnelles » qui fixent le barème de remboursement des actes médicaux par la Sécurité sociale sont en cours et doivent se clore pour l’été.
À cette occasion, le directeur de la Caisse nationale d’assurance maladie a vigoureusement dénoncé la dérive croissante des « dépassements d’honoraires » par les praticiens libéraux, principalement les spécialistes qui ont représenté l’an dernier 2,5 milliards d’euros, sur un total de 20,9 milliards d’honoraires perçus !
Instauré en 1980, le secteur 2 dit « à honoraires libres » autorisant les médecins à réclamer légalement des honoraires supérieurs au tarif Sécu est l’un des grands scandales du système de santé français et le mal s’accroît au fil des années. Un médecin sur quatre exerce désormais dans ce secteur, mais la proportion est de quatre sur dix chez les spécialistes et atteint 85 % chez les chirurgiens et 50 % chez les ORL, les ophtalmologistes ou les gynécologues. Il existe désormais bien des villes où l’on ne peut consulter qu’en secteur 2.
Quant au niveau moyen de ces dépassements, il a doublé en 30 ans, passant de 24 % en 1990 à 54 % aujourd’hui, le record étant détenu par les médecins très minoritaires qui exercent une activité privée à l’hôpital public ! C’est une source d’inégalité sociale profonde face à la maladie. Cela touche en premier lieu ceux qui n’ont pas de mutuelle ou d’assurance complémentaire, ou dont la complémentaire ne les rembourse pas ou peu, c’est-à-dire les moins fortunés. Seuls les plus riches n’auront pas de problème, car ils pourront toujours payer les dépassements et/ou s’offrir des assurances « en or ».
Mais si le directeur de la Cnam, Frédéric van Roekeghem (un ancien des assurances et du cabinet Raffarin !), dénonce les dépassements, ce n’est pas pour exiger leur interdiction, mais pour faire pression sur les syndicats médicaux et les assurances complémentaires et imposer la solution qu’il préconise depuis longtemps : le « secteur optionnel ».
Il s’agit ainsi d’institutionnaliser les dépassements d’honoraires en les encadrant. Les anesthésistes, chirurgiens et obstétriciens volontaires devraient y réaliser au moins 30 % de leurs actes au tarif Sécu, ne pas facturer de dépassements de plus de 50 % sur le reste de leur activité. Ces suppléments seraient remboursés par les complémentaires santé. Le système pourrait ensuite s’étendre à toutes les spécialités.
Cette proposition est un élément de la contre-réforme de l’assurance maladie en cours : réduire toujours plus la part des soins remboursés à tous par la Sécurité sociale et accroître celle restant à la charge du malade directement ou par le biais de son assurance complémentaire, dont les tarifs s’envolent.
Il faut exiger l’interdiction totale des dépassements d’honoraires, et non leur généralisation même « encadrée », le remboursement à 100 % de tous les soins par l’assurance maladie obligatoire, c’est-à-dire la Sécurité sociale, ainsi que l’interdiction totale de l’activité privée à l’hôpital public. C’est d’autant plus nécessaire, qu’en cas d’alternance, le PS n’envisage pas autre chose que « l’encadrement » des dépassements.
Jean-Claude Delavigne