Nous y sommes : autour des manifestations des 22 et 26 mai, il faudra gagner ou reculer une nouvelle fois. Gagner par un mouvement qui ressemblerait le plus possible à une grève générale contre Macron. Ou encaisser une nouvelle défaite qui rendra encore plus difficile les prochains combats ?
Macron ne compte rien céder, il l’a montré à nouveau dans les « négociations » avec les syndicats de cheminotEs. Il n’y a pas de victoire possible sans une élévation du rapport de forces, sans unité de la classe ouvrière.
Cette unité s’entend de différentes façons : d’un côté entre les différents niveaux de conscience, depuis les jeunes et les salariéEs qui luttent déjà jusqu’aux catégories qui regardent, souvent avec sympathie, le mouvement. Autrement dit entre les jeunes qui ont bloqué les universités et cette frange qui s’interroge sur la tenue des examens, entre les cheminotEs qui défendent la grève reconductible et les autres qui « perlent la grève perlée » et attendent des négociations entre CFDT et gouvernement.
De l’autre côté, une unité entre les différents secteurs professionnels, pour aller chercher touTEs ces salariéEs qui perçoivent la dégradation de leurs conditions de vie et de travail mais ne s’engagent pas encore dans la lutte, ou seulement par des mouvements sectoriels, dans les finances publiques, le 15 dans les hôpitaux ou le 22 dans la fonction publique…
Unité et radicalité
Mais il n’y a pas de victoire possible sans radicalité. Sans grève reconductible, on le voit à la SNCF, le mouvement subit les flux et les reflux. Sans assumer la confrontation avec l’appareil d’État, il n’y a pas de résistance aux assauts policiers. Sans auto-organisation, sans comités de grève élus, mandatés, centralisés, il n’y a pas de légitimité et de capacité à ce que le mouvement défende des positions politiques en direction des masses.
Le gouvernement sait inévitable la radicalisation des secteurs longtemps mobilisés, car celle-ci s’opère spontanément dans la lutte. Il travaille donc à la division entre les secteurs radicaux et les secteurs plus attentistes, une séparation concrétisée dans la manifestation du 1er Mai à Paris, entre secteurs radicaux qui perçoivent les enjeux de la lutte – derrière les autonomes – et salariéEs attachés à l’unité de leur catégorie sociale.
La tentation est forte de se contenter de son pré-carré car elle peut sembler plus « rentable » pour recruter, selon les cas, des militaires révolutionnaires ou syndicaux… mais elle ne donne pas de solution pour la victoire de la lutte.
Question de points de vue
Le but des militantEs est de travailler les interactions entre les différents niveaux de conscience.
Pour citer Ernest Mandel, « les larges masses ne s’engagent dans la lutte de classe, dont l’origine fondamentale remonte aux contradictions du mode de production capitaliste, que sur des “questions vitales” immédiates. Ceci vaut pour toute action de masse, même politique. »
Dans les syndicats, nous décelons donc les « questions vitales » pour mettre en mouvement, comme à Air France sur les salaires, à La Poste dans le 92, en Bretagne et en Gironde sur les réorganisations ou dans la santé contre les 960 millions volés aux hôpitaux sur fond de sentiment d’impossibilité de faire correctement son travail. Nous devons argumenter sur le fait que c’est le moment où jamais, que le gouvernement ne peut faire face à toutes les colères.
La tâche du parti, c’est encore et toujours de poser la question du pouvoir, c’est-à-dire d’orienter la colère contre le gouvernement Macron, contre l’État, contre la répression policière. Une orientation globale qui se qui se décline en bataille pour l’unité de la classe, pour la grève générale et l’auto-organisation.
Dans les processus d’auto-organisation, on navigue entre toutes ces dimensions. Ce n’est pas toujours simple, parce qu’il faut composer avec différents courants politiques, syndicaux, différents niveaux de conscience et préoccupations. La ligne directrice consiste à orienter en permanence les secteurs les plus combatifs vers les masses : que les cheminotEs en grève discutent pour entraîner celles et ceux qui ne le sont pas, que les étudiantEs mobilisés posent la question des examens pour tout le monde, que les coordinations inter-gares, AG de lutte pour la grève générale et autres cadres se donnent comme objectif, avant tout, de convaincre toutes et tous d’entrer dans un mouvement pour gagner sur chaque revendication, en réalité pour infliger une défaite politique au gouvernement.
Vers une explosion sociale le 26 mai ?
La donnée politique la plus frustrante est sans doute qu’on voit dans tout le pays une grande colère mais qu’elle ne se retranscrit pas dans une grève de masse, car beaucoup de salariéEs ne croient pas en la possibilité de gagner.
C’est pour cela que nous nous battons, depuis des mois, pour des journées qui centralisent la colère, pour de grandes manifestations où chacunE prend conscience de notre force collective. Si nous gagnons l’engagement réel des organisations syndicales à la manifestation du 26 mai, cela pourrait bien être le moment d’un mouvement d’ensemble contre le gouvernement Macron, le lancement d’une grève de masse pour renverser la vapeur.
Antoine Larrache