En grève depuis le 12 octobre contre la réforme des retraites, les grévistes de la Raffinerie de Grandpuits (CGT et CFDT) ont eu la surprise le 22 de voir débarquer vers 3 heures du matin le préfet pour leur remettre en main propre un ordre de réquisition les obligeant à charger les camions-citernes. Il faut savoir que tout refus d’obéir à un tel ordre peut aboutir à de la prison ferme. Pour justifier la réquisition le préfet a prétexté « les besoins de défense nationale ». Or pour qu’il y ait une telle nécessité, il faut que la France soit en guerre. Contre qui ? Son propre peuple ? On pourrait légitimement se poser la question. Il faut préciser que les employés des raffineries lorsqu’ils étaient en grève ont toujours livré du carburant aux pompiers ou aux services hospitaliers. En mai-juin 1968, ils n’avaient pas dérogé à cette règle. À aucun moment les précédents gouvernements n’avaient usé de la réquisition dans les raffineries en grève. Depuis une bataille juridique s’est ouverte entre les grévistes et la préfecture. Dans un premier temps, les grévistes à la suite d’un référé ont remporté une première manche, obtenant du tribunal administratif de Melun la suspension de l’arrêté préfectoral. Mais la joie a été de courte durée car la préfecture a aussitôt contre-attaqué avec un nouvel ordre de réquisition « plus nuancé » réussissant ainsi à faire revenir le tribunal sur sa première décision. Les grévistes n’entendent pas en rester là : ils ont fait appel devant le Conseil d’État et s’il le faut, ils feront appel aux instances internationales. En tout état de cause, ce coup de force du gouvernement fait de ce régime le plus à droite depuis Vichy. Face à une telle situation il n’a qu’un seul mot d’ordre : résistance. Cette résistance se manifeste par la solidarité de centaines de citoyens de tout bord et de tout horizon qui apportent vivres et argent aux grévistes. Dans l’après-midi du 27 octobre, une centaine d’entre eux se sont rendus à Grandpuits pour bloquer pacifiquement l’entrée du site par solidarité. Les forces de l’ordre étaient bien sûr présentes. L’opération s’est terminée sans affrontement car cette action en présence des médias se voulait avant tout symbolique. Il s’agissait de faire savoir à tous que ce gouvernement par le biais des réquisitions s’en prenait au droit de grève pourtant garanti par la Constitution. Éric Lebreux