L’accord signé dans la nuit du mercredi 27 au jeudi 28 avril concernant les intermittentEs du spectacle et de l’audiovisuel, est à la fois la reconnaissance, par les acteurs de la profession, des revendications portées depuis 2003 par le mouvement et une manœuvre d’isolement orchestrée par le Medef et le gouvernement.
Depuis les attaques portées en 2003, 2005 et 2014 contre les chômeurEs (dont certaines spécifiques aux intermittentEs), le mouvement s’est progressivement doté d’une plateforme de revendications qui permettrait une indemnisation chômage moins inégalitaire et plus adaptée aux contrats courts : le refus de la baisse des indemnisations pour les retours de congés maternité et arrêts maladie pour limiter les discriminations ; une indemnisation sur 12 mois et à date anniversaire pour éviter les effets de glissements et pertes de périodes cotisées rendant aléatoire le montant des indemnités ; le plafonnement pour les revenus très élevés et le maintien d’une indemnisation sur une base journalière et non mensuelle pour éviter les mois sans revenu décent pour les plus précaires.
Ces revendications sont particulièrement adaptées aux personnes subissant la discontinuité de l’emploi et peuvent être élargies aux saisonnierEs, aux intérimaires, aux extras dans la restauration et bien d’autres dans une logique de solidarité entre travailleurEs subissant les aléas de l’emploi.
L’accord, entre plateforme commune et impasse politique
Suite à la mobilisation de 2014, à la négociation interprofessionnelle s’est rajoutée une négociation de branche consultative pour les professionnelEs du spectacle vivant, de la musique, de l’audiovisuel et du cinéma. Cette négociation a abouti à une plateforme commune qui est désormais présentée à l’Unedic par la profession dans son ensemble.
Ceci est perçu comme une victoire car cet accord démontre la crédibilité des revendications élaborées depuis 13 ans.Malheureusement, cet accord, établi en dehors du rythme de négociation du reste de l’assurance chômage, isole les intermittentEs des autres chômeurEs qui n’ont pas de propositions spécifiques. De plus, les cadres d’économies voulus par le gouvernement, le Medef et la CFDT sur le dos des chômeurEs ne sont pas respectés, ce qui conduira l’Unedic à refuser cette proposition.
Par ailleurs, les employeurs, qu’ils soient du Medef ou de nos professions, n’ont aucune légitimité pour participer à la gestion des caisses de solidarité des salariéEs, chômeurEs et précaires.
La stratégie du gouvernement : l’isolement d’un pôle contestataire
Profitant d’une négociation isolée et du refus d’un secteur entier de participer à résorber un déficit dont il n’est pas responsable, le gouvernement se dit prêt à sortir de l’argent pour financer à part l’intermittence dans une caisse autonome. Pratique quand l’on note que les intermittentEs sont pratiquement les seuls parmi les chômeurEs et les précaires à opposer une résistance collective aux attaques contre les droits sociaux.
Isolés, les intermittentEs seront plus facilement divisibles entre eux, entre technicienEs, personnels administratifs et artistes, ou entre spectacle vivant, audiovisuel et événementiel. De leur côté, les intérimaires, saisonnierEs, chômeurEs, se feront attaquer dans le silence généralisé avec lequel sont couverts les assauts contre les plus précaires.
Le Medef, l’idéologie de la précarisation
La volonté de réaliser 800 millions d’euros d’économie sur le dos des chômeurEs est insupportable. En effet, la branche indemnisation de l’assurance chômage n’est pas déficitaire aujourd’hui. Le déficits de l’Unedic ne provient que des aides accordées aux patrons et des frais de fonctionnement.
Les différentes réformes soutenues par le Medef et ses alliés n’ont d’ailleurs jamais permis de réelles « économies », elles ont juste plongé les plus faibles un peu plus loin dans la galère. En créant ainsi une pression sociale, le Medef peut se permettre d’obliger les travailleurEs à accepter des conditions de travail de plus en plus dégradées et briser les solidarités.
Sortir de l’isolement, construire la mobilisation et le touTEs ensemble
En ce qui concerne la lutte des chômeurEs, des précaires et des intermittentEs, tout ne fait que commencer. Il faut s’appuyer sur la plateforme établie dans les professions soumises à l’intermittence pour faire avancer les droits des plus précaires et faire reculer le Medef et ses alliés sur la renégociation de l’assurance chômage.
La mobilisation contre la loi travail nous offre l’occasion de déborder le cloisonnement des débats sur l’assurance chômage trop souvent limités à l’intermittence. Ce que nous défendons, nous devons le défendre touTEs ensemble.
Simon Ailbé