Ce slogan des salariéEs résume bien la situation. Pour la direction, la vente de l’essentiel de l’entreprise est acquise. Ce serait une nouvelle perte importante pour la région de Saint-Etienne. Le plan social va être massif. Les engagements envers les salariéEs ne sont pas garantis. Au-delà des questionnements sur la grande distribution, les enjeux sociaux appellent une mobilisation d’ampleur.
Entre 1982 et 1986, Naouri est le principal architecte de la dérégulation des marchés financiers. En 1987, il devient associé-gérant de la banque Rothschild et Cie. Il crée un fonds de pension et multiplie les prises de contrôle d’entreprises : il achète des parts minoritaires, puis il augmente ses parts par la dette en passant par diverses couvertures. C’est ainsi qu’il a pris le contrôle, depuis 1997, du groupe Casino, qui comprend aujourd’hui en France les magasins Casino, Monoprix, Naturalia, Franprix, Leader Price et Cdiscount.
Le pire du capitalisme
Après avoir longtemps prétendu que les comptes étaient bons, tout à coup la dette est insurmontable et il faudrait détruire cette entreprise emblématique, créée il y a 125 ans à Saint-Etienne par Geoffroy Guichard. La dette s’élève à 6 ou 8 milliards d’euros, liée à un développement utilisant les mécanismes avancés du capitalisme financier (holdings et empilement de structures). Mais cette dette est ancienne, les banques se sont payées maintes et maintes fois. Elles réclament pourtant aujourd’hui un remboursement immédiat.
Une découpe aux pièces
Un « plan de sauvegarde accélérée » a été proposé par ce qui est appelé « Le Consortium », qui regroupe les milliardaires Daniel Kretinsky, Marc Ladreit de Lacharrière et le fonds Attestor. Le tribunal de commerce a jusqu’au 25 février pour se prononcer sur ce plan. Leur projet est d’injecter 1 milliard de cash et d’imposer aux créanciers d’échanger la dette contre du capital. Les 363 hypermarchés et supermarchés seraient vendus d’ici juin pour 1,2 milliard, Intermarché et Auchan étant en négociation exclusive pour ce rachat. L’idée serait de ne garder dans le groupe que les Casino de proximité, les Monoprix, les Franprix, et deux sièges dont un à Saint-Étienne, mais sur ce point les plus grands doutes sont permis.
Casse sociale
Immédiatement, c’est 2 000 à 3 000 emplois qui seraient supprimé : le siège stéphanois passerait de 1 800 à 600 salariéEs, et plus d’un millier de postes sont en jeu dans le reste du pays. Et c’est sans compter sur les emplois indirects. Les droits attachés aux emplois des supermarchés et hypermarchés sont menacés. Il reste encore des acquis sociaux issus du modèle paternaliste et intégré du groupe : CSE central, part importante de mutuelle prise en charge par l’entreprise, vrais temps de pause pour les caissières, journée continue, 13e mois… Tous ces acquis ne sont garantis que pendant 15 mois et ils vont à terme être supprimés, lors du passage en magasins indépendants franchisés. Quant aux magasins de proximité, ils seront d’abord franchisés, puis vendus dans quelques années. La marque Casino pourrait complètement disparaître.
Construire le rapport de forces
Les représentantEs du personnel et l’intersyndicale agissent pour que l’information-consultation du CSE central sur la vente des hypermarchés et supermarchés leur permette d’avoir des informations fiables. Ensuite, le reste du « Plan de sauvegarde de l’emploi » pourra se mettre en place. Le 17 décembre, une manifestation a regroupé près de 4 000 personnes à Saint-Étienne. Les salariéEs mobiliséEs essaient de créer le plus large consensus populaire et politique pour obtenir des pouvoirs publics une intervention contre la casse sociale que ce projet de démantèlement impliquerait. L’exécutif a les moyens d’imposer le respect des droits sociaux. De nouveaux rendez-vous se préparent : il faudra que la population se mobilise massivement, au-delà des salariéEs du groupe, et qu’une visibilité nationale soit donnée à cette question majeure pour l’emploi et les droits sociaux.