Le mouvement social en cours depuis le 5 décembre dernier ne cesse de surprendre, par son ampleur mais aussi par sa longueur. Or, comme toutes les grandes mobilisations qui secouent régulièrement notre pays, il a aussi ses propres caractéristiques : après la barricade en Mai 68, la torche des cheminotEs en 1995 et le gilet jaune l'an dernier, celui en cours aura-t-il pour symbole la caisse de grève, dont l'usage se généralise, la dépose d’outils de travail, initiée par les avocatEs avec leur robe, ou encore la manifestation nocturne ?
Les retraites aux flambeaux se multiplient depuis décembre dernier, avec parfois plusieurs milliers de participantEs comme à Marseille, Clermont-Ferrand, Grenoble ou Nice. Lancées pour la première fois en Bretagne sur les remparts de la ville de Dinan puis étendues au sud de la France de manière parfois simultanée, ces manifestations nocturnes se multiplient jusqu'à atteindre la région parisienne (Malakoff, Créteil puis la Seine-Saint-Denis).
Nous sommes en présence d'un mouvement composé, d'une part, de grèves reconductibles et, d'autre part, de grèves de masse. En attendant, le gouvernement, qui a eu à pâtir de l'absence de trêve lors des fêtes de fin d'année, tient son cap en dépit d'une impopularité massive. Pour franchir un palier dans le rapport de force, pour pouvoir durer, la mobilisation se cherche alors que le mouvement de grève dans les transports, le plus long de l’histoire de la SNCF comme de la RATP, continue en pointillés mais s’étend lentement mais sûrement dans la culture, l'éducation ou les ports.
Trouver les fissures
Dans le même temps, la participation des salariéEs du secteur privé, qu'ils soient cadres, ouvriers du BTP ou employés du commerce, aux grandes manifestations, en semaine comme le samedi, qu’il soit syndical ou Gilets jaunes, est un fait qui contribue à leur caractère massif.
L’intersyndicale nationale ne s’y est pas trompée en appelant à généraliser ces marches nocturnes le jeudi 23 janvier, soit la veille de la présentation du texte en Conseil des Ministres.
Au-delà de la force des images que cela donnera (sans doute des centaines de milliers de lueurs déterminées à résister à la nuit libérale que Macron veut voir s'abattre sur le pays), il faut se souvenir que, en 1989 dans l'ex-RDA, la population s'est rassemblée de manière similaire dans le cadre des manifestations dites du lundi : d'abord par poignées à Leipzig puis très vite par dizaine puis par centaine de milliers dans les grandes villes est-allemandes jusqu'à balayer le régime en deux mois... Comme l'a dit le Che, « Même les murs les plus puissants s'effondrent par leurs fissures ». Alors par nos grèves, nos blocages et nos manifestations, de jour comme de nuit, fissurons le mur Macron !