Publié le Vendredi 22 octobre 2010 à 00h08.

Les raffineries TOTALement bloquées

Du jamais vu depuis Mai 1968, les douze raffineries du pays sont en grève reconductible avec arrêt total des installations. La crise provoquée est à la mesure de la place démesurée occupée par le pétrole. Le capitalisme est puni par là où il… gaspille ! Cette grève vient de loin. Depuis l’annonce de la loi et surtout depuis début septembre, la coordination des syndicats CGT du groupe Total et la fédération chimie se sont engagées dans sa préparation. Dans les raffineries Total, la grève de plusieurs jours au printemps dernier a montré l’impact d’un tel mouvement. La leçon a été retenue. Depuis des semaines, tracts, tournées syndicales, prises de parole se sont succédé. Dès le 23 septembre, la grève a duré plus de 24 heures dans de nombreuses raffineries et plusieurs jours à Donges (Loire-Atlantique). La grève est extrêmement massive, reconduite à l’unanimité ou presque. À cela plusieurs raisons, en plus du travail acharné des militants syndicaux : l’organisation du travail – comme dans toute la chimie elle aussi largement en grève reconductible – est un facteur important. Le travail est pénible, toujours en continu, le matin, l’après-midi et la nuit. Cela rend insupportable toute idée de travailler plus vieux exposés à des produits dangereux, et ruine tous les discours sur l’allongement de la vie. Mais en même temps cela engendre une grande solidarité car un travailleur posté passe beaucoup de nuits, de dimanches, de jours fériés au boulot, avec ses collègues et pas avec sa famille. Mais la raison la plus évidente, c’est le sentiment de puissance justifié des salariés de ce secteur, la conscience d’être en mesure de bloquer, de faire mal au portefeuille des actionnaires, aux profits de l’ensemble des patrons et plus généralement au pouvoir, par la crise que le mouvement peut provoquer. Cette conscience de sa propre force est un acquis précieux alors que les salariés sont de plus en plus dévalorisés, méprisés, privés de l’estime d’eux-mêmes et de leur travail. Il faut rappeler haut et fort à ceux qui disent que la classe ouvrière est morte, qui produit les richesses, et donc qui détient le pouvoir d’arrêter de produire. Enfin et surtout, cette grève est une grève pour gagner, pour engager l’épreuve de force, pour faire céder le gouvernement. Celui-ci l’a bien compris et met la pression maximum sur les grévistes : chantage à la fermeture, interventions policières, commandos de cadres pour briser la grève, procédure de réquisition illégale de trois puis cinquante salariés pour les contraindre à charger des camions sous la menace de cinq ans de prison à Grand­puits (Seine-et-Marne).Heureusement et très justement, la mobilisation des salariés des raffineries est depuis le début une mobilisation à vocation interprofessionnelle. Ils mettent leur force au service de la mobilisation de toutes et tous.  Grâce à cette orientation, ils peuvent compter sur la mobilisation immédiate des autres secteurs en cas de menace sur leur mouvement. C’est ce dont témoigne l’élan venant des jeunes, des enseignants, des cheminots, des autres salariés du privé… pour bloquer les dépôts de carburant dans tout le pays. Il y a encore plus efficace : la protection des grèves par leur généralisation à l’ensemble des secteurs d’activité. Christine Poupin