Plusieurs dizaines de milliers de manifestants à Paris, plusieurs centaines de milliers (800 000 selon la CGT) dans l’ensemble du pays ont sifflé la fin de la trêve électorale. Les grèves très importantes à la SNCF, dans les hôpitaux et surtout dans l’Éducation nationale et les nombreux et importants débrayages dans le privé ont bien montré que beaucoup de salariés ne se contentaient pas de la défaite électorale de la majorité de droite. Encore une grève que Sarkozy va bien être obligé de voir ! Partout les motifs de mobilisation ne manquent pas. Depuis des semaines, les salariés se battent contre les suppressions de postes, le développement de la précarité et la réduction des budgets dans les services publics, notamment dans les hôpitaux (à Paris et dans de nombreuses autres villes), dans l’Éducation nationale (en Seine-Saint-Denis, à Paris, etc.), la casse du service public de l’emploi avec la mise en place de Pôle Emploi. Dans les entreprises du privé, les luttes contre les licenciements, les fermetures de sites (de Total et Philips à des dizaines de petites ou moyennes entreprises), la multiplication des statuts précaires et des emplois à temps partiel n’ont pas cessé depuis des mois. Les salaires et les conditions de travail provoquent régulièrement des explosions aussi bien dans les « bastions » de l’automobile (Renault, PSA) que dans des secteurs peu habitués aux luttes, tels que le commerce (Ikea, Ed, Carrefour), le transport (DHL) ou la restauration rapide. La multiplication des séquestrations de patrons ou de cadres, les grèves locales de longue durée, l’engagement souvent massif des jeunes travailleurs montrent bien que pour beaucoup la coupe est pleine, que la régression sociale est devenue insupportable. L’appel unitaire de cinq centrales syndicales (CGT, CFDT, FSU, Solidaires, Unsa) et celui, séparé, de FO cachent mal les divergences sur les questions essentielles, notamment sur les réponses à apporter face aux attaques contre nos retraites. Le tract d’appel de la CGT aux manifestations englobant les questions des salaires, de l’emploi et des retraites met d’autant plus en évidence l’absence de perspective de construction d’une mobilisation durable. C’est ce qui laisse sceptiques militants et salariés sur la volonté de la confédération d’affronter le pouvoir sur ces questions. D’ailleurs, les faibles remontées de la préparation de la mobilisation communiquées par les syndicats et les structures régionales (unions locales et départementales) illustrent bien les hésitations des équipes militantes devant la stratégie confédérale. La « grande victoire », obtenue par les confédérations, que serait le report à septembre du vote par le Parlement de la contre-réforme des retraites ne nous donne que les mois de juillet et août en plus pour mobiliser ! C’est donc dès maintenant que la mobilisation doit se construire. Tout d’abord en labourant le terrain du débat pour rendre illégitime toute nouvelle attaque contre le système de retraites et en rendant crédibles nos réponses pour assurer son financement : augmentation des salaires, éradication du chômage, augmentation des cotisations patronales. Ensuite en construisant, d’abord localement, de façon unitaire, la mobilisation qui peut prendre appui sur des entreprises, des branches, des professions, boostée par la colère, le ras-le-bol, le rejet des politiques patronales et gouvernementales. Le remplacement de Xavier Darcos, ministre précédemment chargé du dossier retraites, par Éric Woerth, responsable de la mise en place de la destructrice Révision générale des politiques publiques (RGPP) ne changera rien à la volonté du gouvernement d’imposer sa contre-réforme. Moins que jamais il y a matière à temporiser, à discuter avec ce pouvoir illégitime et discrédité aux yeux de millions de travailleurs. Mais seul le rapport de forces bâti sur les mobilisations, les manifestations et les grèves pourra le faire reculer. Robert Pelletier
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