Initiée par la CGT, FO, FSU et Solidaires, la journée de mobilisation de ce mardi 10 septembre était la première étape de la mobilisation contre le projet de loi sur les retraites mis en discussion au Parlement. Une point de départ pour construire le mouvement. Plus importants que ne le prédisaient les médias et que ne l’espérait le gouvernement, insuffisants pour faire d’ores et déjà reculer le pouvoir, les 183 cortèges ont regroupé autour de 300 000 manifestantEs sur l’ensemble du pays.
Trois pas en arrière
Le projet de loi rendu public la semaine dernière précise ce que veut le gouvernement. Après l’opération d’intox du rapport Moreau et ses propositions cauchemardesques, l’allongement de la durée de cotisation pour prétendre à une pension pleine et entière est présenté comme une chose aussi naturelle et incontournable que l’allongement de l’espérance de vie.
La hausse des cotisations retraites frapperaient indifféremment salariéEs et patrons... sauf que ces derniers récupéreraient largement cette augmentation par un allègement des cotisations sociales familiales.
Les retraitéEs ne seraient pas impactéEs par la contre-réforme... sauf toutes celles et ceux qui verront la revalorisation de leurs pensions repoussée de 6 mois : quelques dizaines d’euros en moins pour les retraitéEs,
1,5 milliard de plus pour le gouvernement !
Deux pas sur le côté
Pour tenter de donner un vernis de gauche à sa contre-réforme, le projet comporte quelques mesurettes. Mais le diable est caché dans les détails. Pour les salariéEs ayant été soumis à des métiers pénibles, la bonification est scandaleusement réduite : à partir de 25 années d’exposition, il serait possible de bénéficier de 8 trimestres d’anticipation... soit un départ à 60 ans. Pour les femmes, même cumulées, les différentes mesures (dont celles concernant la majoration pour enfants reportée à 2020) ne compenseront pas l’allongement de durée de cotisation imposée à toutes et tous. De même pour les jeunes pour lesquels les années d’apprentissage seraient validées à partir de 2015. Les polypensionnéEs devront attendre 2016 (les salariéEs du public attendront encore...) pour bénéficier de l’uniformisation du calcul de leurs pensions.
Mais l’essentiel est incontournable : cette réforme va contribuer une fois de plus à baisser le niveau des pensions : pour un salarié ayant validé en 2035 entre 38 et 42 annuités à 62 ans (ce qui relèvera déjà de l’exploit), la réforme réduira de 7 à 8 % le montant de la pension si celle-ci est liquidée à 62 ans. Et bien plus pour les femmes. Il ne restera plus, pour celles et ceux qui le pourront, qu’à se tourner vers les assurances privées.
Un pas en avant
C’est dans un contexte social et politique contrasté que doit être appréciée cette journée. Le Parti socialiste et ses alliés tentent de camoufler leur soumission au Medef pour préserver leurs chances de ne pas perdre trop de terrain lors des prochaines élections au printemps. Les partis de droite critiquent modérément des dispositions qui, pour l’essentiel, poursuivent leur politique. Le Medef cache mal sa satisfaction, tant patrons et actionnaires voient leur exigences prises en compte. Plus grave, au-delà de la discrétion de la CFTC, de l’UNSA et de la CGC, la CFDT se fait en un des meilleurs porte-parole du gouvernement, avec documents et tracts largement diffusés.
Les hésitations de salariéEs reposent en partie sur le bilan de la mobilisation de 2010. Pourtant, ce ne sont pas les motifs de s’opposer au gouvernement qui manquent : augmentation des prix, blocage des salaires, augmentation des impôts, crainte du chômage et du licenciement, suppression de postes dans la fonction publique. Dans le privé, les accords de compétitivité commencent à faire des dégâts : blocage voire réduction des salaires, augmentation du temps de travail, développement de la mobilité forcée, aggravation des conditions de travail.
Dans beaucoup d’endroits, cette journée a permis de faire le point entre collègues. Après la trêve estivale, le développement de la bataille pour le retrait du projet sur les retraites, mais aussi contre toutes les attaques patronales et gouvernementales, commence a être discuté. Un premier pas qui en appelle d’autres.