En présentant des « nouvelles mesures » le 11 décembre dernier, le Premier ministre, droit dans ses bottes comme le fut en 1995 son ami politique Juppé, a tenté de désamorcer la mobilisation en emportant l’adhésion de la CFDT à son projet. Échec total à cette étape, l’ensemble des confédérations syndicales ayant appelé à manifester le 17 décembre !
Le projet de réforme du système est maintenu dans sa quasi-totalité. Le gouvernement veut passer en force et rapidement. Le projet de loi serait présenté en conseil des ministres en janvier, débattu au parlement en février et soumis au vote après les élections municipales.
« Ne vous mobilisez pas, vous n’êtes pas concernés ! ».
C’était l’arrière-pensée du gouvernement en présentant la « clause du grand-père ». Et c’est pour cette raison qu’il annonce que la réforme ne s’appliquerait qu’à partir de 2037. Mais « l’âge d’équilibre » (nouvelle dénomination de l’âge pivot) devra s’appliquer d’ici presque deux ans. Édouard Philippe a précisé qu’à défaut d’un accord entre les syndicats et le patronat, « la loi fixera à partir du 1er janvier 2022 un âge d’équilibre à 62 ans et 4 mois ». Cet âge sera rallongé chaque année de 4 mois jusqu’à atteindre 64 ans en 2027. La décote sera de 5% par année manquante. Ainsi, une personne du secteur privé qui aura 62 ans en 2022 et demandera à partir en retraite dès cet âge légal pourrait subir une diminution de sa pension de 10 % qui s’appliquera pendant toute la durée de sa retraite.
Des « avancées » qui ne sont que des leurres
Édouard Philippe a promis « une pension minimale de 1000 euros par mois […], une conquête sociale, le gouvernement ira même plus loin avec un minimum de pension garanti à 85% du SMIC ». Mais il n’a pas rappelé les conditions écrites dans son rapport pour en bénéficier : avoir effectué une carrière complète, soit avoir cotisé pendant 43 ans, une condition généralement inatteignable pour une disposition concernant essentiellement des précaires. Et il ne précise pas que le minimum contributif versé actuellement est de 636 euros, auquel s’ajoute la retraite complémentaire. Les 4,8 millions de bénéficiaires touchent donc 970 euros portant ainsi « la conquête sociale » à 30 euros mensuel ! Cette mesure existe déjà dans une loi de 2003 jamais appliquée.
Édouard Philippe prétend que le système universel permettra de remédier aux inégalités hommes-femmes. C’est un nouveau mensonge1. La prise en compte de toute la carrière pour le calcul de la retraite défavorise les femmes, principales victimes des temps partiels imposés, de la précarité, du chômage... Les pensions seront augmentées de 5% par enfant et de 7 % à partir du 3ème enfant. Dans les faits, les couples risquent de choisir d’attribuer cette augmentation à l’homme, qui touche un salaire plus élevé, et la mère sera lourdement pénalisée en cas de séparation.
Les primes des fonctionnaires seront prises en compte dans le calcul de leur retraite et, pour les enseignantEs qui en bénéficient très peu, une revalorisation progressive des pensions est envisagée sur une période de 10 ou 15 ans, qui sera conditionnée à un accord entre le gouvernement et les syndicats, donc soumises à des contreparties qui ne sont pas précisées, mais qui pourraient consister à allonger le temps de travail.
Le compte de pénibilité au travail, un dispositif individuel qui ne résout pas ce problème, serait étendu aux agentEs de la fonction publique, et mieux pris en compte pour « les métiers usants ». Mais le gouvernement prévoit par ailleurs d’assouplir les conditions de travail de nuit, et il a supprimé quatre des critères de pénibilité.
S. Bernard
- 1. Lire l’article « Retraite des femmes. On nous prend pour des quiches ? », l’Anticapitaliste n°501 (12 décembre 2019)