Publié le Mercredi 4 septembre 2019 à 12h18.

Retraites : la « méthode » change, le but reste

« Je préfère qu’on trouve un accord sur la durée de cotisation plutôt que sur l’âge » : Macron avait décidé de créer la surprise, lors de son interview télévisée à la fin du G7, à la veille des nouvelles négociations avec les organisations syndicales sur la réforme des retraites. « L’âge pivot » l’une des « préconisations » emblématiques du rapport par J.P. Delevoye, haut commissaire à la réforme des retraites, pourrait finalement ne pas être retenu. « Rien n’est décidé » a affirmé le chef de l’exécutif.

 

Tout en conservant l’âge « légal » de la retraite à 62 ans, le projet Delevoye propose la création d’un « âge pivot », fixé à 64 ans. C’est l’âge à partir duquel il serait possible de bénéficier d’une retraite complète (dite « à taux plein »). Il serait bien sûr possible de partir entre 62 ans et 64 ans… mais au prix d’une « décote » dissuasive de 5 % par an. Autant dire que l’âge légal deviendrait pour beaucoup une référence symbolique, mais sans intérêt si l’on ne veut pas vivre sa retraite dans la pauvreté.

Flottements du pouvoir ? Cette mesure avait suscité un tollé de toutes les organisations syndicales, y compris celles qui soutiennent la réforme Macron (CFDT, UNSA, CFTC). Laurent Berger y voyait même une « ligne rouge » à ne pas franchir.C’est Macron lui-même qui avait défendu cette proposition lors de sa conférence de presse du 26 avril à la suite du « grand débat ». Elle avait été reprise par Édouard Philippe dans son discours de politique générale censé tracer les grandes lignes de l’acte 2 du quinquennat, avant de figurer en bonne place dans les propositions de Delevoye. Le revirement présidentiel est censé incarner son « changement de méthode ». Il est surtout le signe des flottements d’un pouvoir, affaibli par le mouvement des Gilets jaunes, et qui doit faire face à une rentrée difficile (éducation, hôpitaux…).Macron avait déjà écarté la proposition d’une partie de son gouvernement (Darmanin, Buzyn, Philippe) de reculer l’âge de la retraite ou de prolonger la durée de cotisation sans attendre le vote de la réforme, dans le cadre de la loi de financement de la Sécurité sociale discutée à l’automne. Il franchit un pas de plus en remettant l’âge d’équilibre dans le débat.C’est une nouvelle tentative pour déminer le terrain, dans un climat social tendu. Macron espère ainsi briser toute possibilité de front syndical, et transformer les militantEs CFDT, UNSA et CFTC en VRP de sa réforme dans les entreprises.

Sur le fond de son projet, il ne cède rien, au contraireIl s’agit de créer un mécanisme qui adapte automatiquement le niveau des pensions, pour que la partie de la richesse produite (le PIB) consacrée aux retraites reste fixe (14 % du PIB), alors que la proportion de retraitéEs est en constante augmentation par rapport à la population active. En clair, les retraites deviennent une variable d’ajustement de la « maîtrise des dépenses publiques ».Le débat sur la répartition des richesses et l’augmentation des cotisations patronales permettant de garantir le niveau des pensions et l’âge de la retraite est évacué, ainsi que le souhaite le Medef.La retraite devient alors « un choix individuel », où chacunE décide « librement » de s’épuiser au travail jusqu’à un âge avancé, ou de profiter d’une retraite plus précoce et en bonne santé, mais en devant compter chaque dépense et en se privant de tout ce qui permet de vivre agréablement la dernière partie de sa vie.Le choix de Macron de privilégier la durée de cotisation, est cohérent avec sa volonté d’obliger chacunE à « travailler plus ». Sa réforme ne ferait qu’accélérer le passage d’un système collectif et solidaire, où chacunE a des droits (âge de la retraite, niveau des pensions) à des retraites minimums, où chacun individuellement « récupère sa mise » (peut-être).C’est pourquoi, avec ou sans « âge pivot », la réforme Macron n’est ni amendable ni négociable. Il est urgent de se rassembler pour la combattre et imposer son retrait.Jean-Claude Delavigne