Deux rapports sur notre système de retraite ont été rendus publics ces derniers jours : celui du Conseil d’orientation des retraites (COR) et celui de la Cour des comptes. Ce dernier, axé sur les retraites complémentaires, préconise un recul de deux ans de l’âge légal de départ pour toucher sa retraite complémentaire. Sans attendre, Rebsamen s’est précipité et y a été de sa déclaration… Un peu trop vite ? Vraiment ?
Alors que la dernière contre-réforme des retraites, ayant reculé l’âge légal du départ à la retraite à 62 ans, date d’à peine un an (sous Ayrault), voici deux nouveaux rapports sur notre système de retraite.
Sous tous rapports...
Celui du COR affirme contre toute attente que notre système des retraites pourrait redevenir bénéficiaire dans la seconde partie des années 2020… à condition que l’économie redémarre et que le plein emploi remplace le chômage de masse. Avec les politiques menées, on peut toujours rêver... Le COR a fait différentes projections (du mieux au pire) et n’écarte pas une nouvelle « réforme » des retraites dans les prochaines années, mais d’après le Conseil, cela pourrait encore attendre un peu.
Ce n’est pas vraiment l’avis de la Cour des comptes dont le rapport est axé sur les retraites complémentaires. En effet, pour remédier au trou potentiel de 15 milliards d’euros en 2030 concernant les régimes complémentaires, la Cour des comptes préconise notamment une baisse de 9 % du pouvoir d’achat des retraitéEs et un recul de deux ans de l’âge légal de départ. Il faudrait donc travailler jusqu’à 64 ans pour toucher sa retraite complémentaire !
Le bavard
Lors d’une interview accordée à France 3 avant la séance des questions au gouvernement à l’Assemblée nationale, Rebsamen, ministre du Travail, a clairement ouvert la porte à un nouvel allongement de la durée de cotisation : « S’il faut progressivement, c’est d’ailleurs prévu dans la loi Ayrault, allonger la durée de cotisation, eh bien nous le ferons puisqu’il est normal que quand l’espérance de vie s’allonge, on allonge proportionnellement les durées de cotisation ». Mais, devant le tollé suscité par ses propos dans la majorité, il a dû très vite faire marche arrière : « La loi qui a été votée prévoit un allongement de la durée de cotisation à 43 ans à partir de 2035. Je n’ai rien ajouté d’autre », a-t-il ensuite affirmé à l’AFP.
Mais comme cela n’était sans doute pas suffisant, Marisol Touraine a confirmé qu’ « une réforme des retraites a été menée. (…) Il n’y a rien d’autre de prévu »... Mais, peu avant, commentant les prévisions du COR, elle avait pourtant également indiqué que : « Cela ne veut pas dire qu’on n’accepterait pas qu’il faille travailler plus longtemps »…
Il est vrai que ce n’est pas la première prétendue « bourde » de Rebsamen, qui s’était déjà illustré par des propos contre les chômeurs, les seuils sociaux, les 35 heures, et pour le travail du dimanche. À l’époque, Hollande et Valls ne l’avaient déjà pas officiellement soutenu… mais beaucoup des idées alors exprimées se retrouvent aujourd’hui par exemple dans le projet de loi Macron.
Vers de nouveaux reculs ?
On connaît bien la fameuse technique, utilisée par tous les gouvernements de gauche comme de droite, qui vise à lancer un ballon d’essai afin à la fois de préparer et de tester l’opinion publique sur de nouveaux reculs en matière de droits sociaux. Profitant sans aucun doute de la faiblesse – accompagnement ou paralysie – des directions syndicales, il ne fait aucun doute que Rebsamen sait de quoi il parle. Il dit ce qu’il fera... et, demain, si le rapport de forces le permet, il fera ce qu’il dit.
Ce gouvernement peut donc affirmer qu’« il n’est pas question de mettre en chantier, de mettre en route, d’engager une nouvelle réforme des retraites, ou une évolution de la durée de cotisation, ou de quelque autre paramètre des retraites que ce soit », on sait que le pire n’est jamais loin, d’autant plus que la dernière réforme de 2013 leur permettrait de mettre en œuvre de nouvelles attaques. Le recul de l’âge de la retraite fait partie des desiderata du patronat et est un des marqueurs des politiques d’austérité européennes. Il s’agit donc d’une affaire à suivre...
Sandra Demarcq