Les consultations entre le Haut commissaire à la réforme des retraites et les « partenaires sociaux », qui ont commencé en novembre dernier et ont repris dans la deuxième quinzaine d’avril, devraient se dérouler jusqu’à l’été 2019. Initialement, le calendrier devait être plus ramassé, mais l’issue incertaine des mobilisations en cours a conduit le gouvernement à l’étaler.
En dressant le tableau le plus noir possible, le gouvernement vise à rendre son projet incontournable tout en s’assurant du soutien de certaines organisations syndicales. Déficit, manque de transparence, inégalités… sont les arguments justifiant une « réforme systémique » par laquelle Macron prétend instaurer un système universel où « un euro cotisé donne les mêmes droits, quel que soit le moment où il a été versé, quel que soit le statut de celui qui a cotisé ».
De la solidarité…
Dans le système actuel, par répartition, les pensions sont payées grâce aux cotisations vieillesse prélevées sur la masse salariale, et immédiatement reversées aux retraitéEs. Il est à « prestations définies », c’est-à-dire qu’il garantit un niveau de pension déterminé. L’existence de pensions de réversion, du minimum retraite, de la prise en compte des périodes de maladie, d’éducation des enfants ou de chômage, de l’invalidité, de la pénibilité du travail, accentue la solidarité. Ces solidarités représentent 20 % des retraites et concernent 9 femmes sur 10. Sans cette solidarité, les pensions des femmes seraient inférieures de 25 %. Ce système a sorti les retraitéEs de la pauvreté en moins de 30 ans : ils étaient 28 % à vivre en dessous du seuil de pauvreté en 1970, ils n’étaient plus que 4,7 % en 1997.
… à l’individualisation
La réforme Macron reposerait totalement ou en partie sur un système par comptes notionnels ou par points. Des systèmes cousins qui consistent en une accumulation de points ou d’euros par les cotisations de chaque salariéE. Les valeurs d’achat et de service (pension) des points sont décidées au fil de l’eau. Avec le compte notionnel, le montant de la pension serait fonction de ce capital virtuel en prenant en compte l’âge du départ en retraite et l’espérance de vie à cet âge de la génération à laquelle appartient le salariéE. Comme le dit le Conseil d’orientation des retraites, « un assuré bénéficie, au moment de la liquidation de ses droits à la retraite, d’un montant de pension d’autant plus élevé que la période de retraite sera courte ou que le montant de la pension sera faiblement revalorisé ». Un système qui tend à faire du départ à la retraite un choix individuel et non un choix de société.
Contre le dialogue social, la mobilisation
Cette réforme s’inscrit dans la logique de libéralisation de l’économie et de réduction des droits sociaux. Ces systèmes nient toute solidarité en n’accordant aucun droit si 1 euro n’est pas cotisé, et ne peut fonctionner qu’en transférant aux pouvoirs publics la responsabilité de financer la solidarité, décidée par les politiques, payée par l’impôt. Pour garantir notre système de retraite, il ne saurait être question de baisse des pensions, d’allongement de la durée de cotisation, de cotisations définies, d’épargne capitalisée. Il faut que le travail soit partagé, entre toutes et tous.
Les consultations engagées risquent de déboucher sur des diagnostics plus ou moins communs. La place laissée aux organisations syndicales dans la gouvernance sera aussi l’enjeu de tractations. Quand le secrétaire général de la CGT réaffirme la nécessité d’un dialogue loyal, nous défendons l’idée que seule la construction du rapport de forces sera à même de faire reculer le gouvernement.
Robert Pelletier