Publié le Jeudi 19 septembre 2013 à 10h06.

Retraites : qui veut construire les suites du 10 septembre ?

À la veille des 180 manifestations regroupant 300 000 manifestantEs, les médias se répandaient largement sur la faible mobilisation contre la première contre-réforme de « gauche » des retraites.
L’enfumage du rapport Moreau, la proximité des congés, le poids du chômage et des difficultés économiques, la répression dans les entreprises et le déminage du gouvernement en direction des fonctionnaires rendaient la mobilisation compliquée.

Soutiens voyants
Dans ce décor, les acteurs syndicaux jouent des partitions différentes. La direction confédérale CFDT avec, en coulisses la CFE-CGC et la CFTC, s’affiche comme un des meilleurs défenseurs du projet gouvernemental, sous couvert de défense des salariéEs et des retraitéEs. Les départs successifs de dizaines d’équipes militantes, notamment à l’occasion des précédentes mobilisations sur la question des retraites, de l’ANI, etc., a considérablement réduit les velléités de nombreuses équipes. Les animateurEs de la lutte des Sanofi ont pu expérimenter encore récemment les risques que comportaient des positionnements radicaux.
Le gouvernement de « gauche » met les directions syndicales critiques en situation délicate. Pour FO dont les liens historiques avec la social-démocratie sont solidement établis, les fanfaronnades de la direction cachent mal l’hétérogénéité des équipes : dans le privé, souvent des instruments des directions et, dans le public, parfaitement intégrés au système de gestion, à l’exception de quelques structures combatives animées par des militantEs d’extrême gauche.

Oppositions mesurées
Du côté de l’union syndicale Solidaires, il y a une affirmation claire d’hostilité au projet et une réelle mobilisation même si une partie de ses dirigeantEs, de ses militantEs, se retrouvent dans le projet politique du Front de gauche.
Pour la CGT et la FSU, la volonté politique des directions de ne pas mettre en danger le gouvernement les conduit à des positionnements dilatoires. Les quelques mesures en trompe-l’œil du projet sont présentées comme des « avancées » s’inscrivant dans les préoccupations de ces syndicats. L’accent est mis sur les exigences vis-à-vis du patronat, de la « finance », manière de dédouaner le gouvernement et les partis politiques qui le composent, le soutiennent ou refusent de l’affronter clairement.
L’identité des formules, « la gravité de la situation exige un changement de cap » (déclaration confédérale CGT du 8 juin 2013 à propos de la conférence sociale) et « une étape pour changer de cap » (thème des assises du Front de gauche du 16 juin) met en évidence la proximité des politiques, faites du respect des institutions et du dialogue social. Les équipes militantes « à la base » et même « intermédiaires » tirent souvent des bilans très critiques des mobilisations de 2007, des journées saute-mouton de 2009 (contre la « crise ») ou de 2010 contre la réforme Sarkozy-Fillon-Woerth. Le rejet des stratégies syndicales assises sur des projets politiques de « gauche » (à l’œuvre depuis le milieu des années 80) sert de prétexte aux directions et désarme les équipes combatives, orphelines de perspectives globales et ne voyant pas comment reconstruire un rapport de forces plus favorable aux salariéEs.

Prendre nos affaires en main
C’est dans ce cadre qu’il nous faut tout faire pour prolonger la journée du 10 septembre. D’un côté, dans les structures syndicales, défendre une autre stratégie de mobilisation : l’idée que seul un affrontement prolongé, assis sur des grèves puissantes, peut faire reculer le gouvernement et aboutir à l’abandon du projet. De l’autre, partout, s’appuyer sur les revendications, les colères, les mécontentements pour engager des luttes, faire naître des échanges, des coordinations.
Le succès relatif de la journée du 10 septembre permet aux directions syndicales de ne pas engager une poursuite de la mobilisation. La journée « jeunes » du 18 septembre ne saurait constituer une réelle étape dans cette voie. Les débrayages répétés dans l’ensemble du groupe PSA, marqué par la liquidation du site d’Aulnay, montrent, entre autres, que les ressorts de mobilisations importantes existent. À nous de faire qu’ils se mettent en action.