Mercredi dernier, après la valse hésitation de ses ministres, Sarkozy a tranché pour décider d’une « prime obligatoire » dans les entreprises de 50 salariés et plus qui distribuent des dividendes en hausse. Derrière l’écran de fumée, en fait un cadeau… aux patrons ! Après le tour de passe-passe de la suppression du bouclier fiscal largement compensée par les modifications de l’ISF, Sarkozy continue de se livrer à son exercice préféré, dire une chose pour faire le contraire.
Ainsi est-il revenu, mardi 19 avril, à Charleville-Mézières, ville ouvrière et sinistrée des Ardennes, où il prononça son discours « pour la France qui souffre » en décembre 2006, inaugurant la campagne du « candidat du pouvoir d’achat » s’adressant à « la France d’en bas ». La mystification annonçait quatre ans de politique de régression sociale. À l’approche de 2012, il est revenu sur les lieux de l’imposture. Une nouvelle provocation alors que les inégalités se creusent de plus en plus, que la pauvreté et la précarité progressent et que les prix et les profits s’envolent. « Quand on peut donner aux actionnaires, on peut donner aux salariés », a-t-il déclaré à La Fonte ardennaise, affirmant, sans rire, sa volonté que « tout le monde soit associé à la reprise ». « Dans les grandes entreprises, s’il y a une forte augmentation des dividendes, il faudra que les salariés en aient une partie et il faut obliger ces entreprises à négocier […] Et, dans les petites entreprises où il n’y a pas de distribution de dividendes, si ça va mieux, si le carnet de commandes se remplit, l’entreprise pourra faire une prime aux salariés qui sera exonérée de cotisations. » Quand on voit l’explosion des profits des groupes du CAC 40, plus de 82 milliards d’euros pour 2010, soit presque 50 % de plus qu’en 2009, quand on voit que les dividendes versés en 2011 sont attendus en hausse de 14 % sur un an, à 40 milliards d’euros, il est clair que la stagnation des salaires, la baisse du pouvoir d’achat sont inacceptables. Mais là n’est pas le propos de Sarkozy. Ni 1 000 euros, ni obligatoireSa prime dite « obligatoire » et de 1 000 euros ne sera ni obligatoire ni de 1 000 euros. Son montant « sera à négocier », c’est-à-dire dépendra du bon vouloir des patrons. Elle concernerait, selon Xavier Bertrand, « 30 000 entreprises et 8 millions de salariés, c’est plus d’un salarié sur deux » ! En réalité, comme le rappelait le Medef « 70 % des entreprises en France ne distribuent pas de dividendes », ce qui ne veut pas dire qu’elles ne font pas de profits. Et qui plus est, les 5,2 millions de salariés du public en sont exclus. « Ces primes seront exonérées de charges sociales dans la limite d’un plafond et soumises à la CSG-CRDS et au forfait social ». L’opération qui devrait passer dans la loi en juillet permettra en réalité aux plus grosses entreprises de donner une prime à leur convenance sans avoir à payer de cotisations sociales plutôt que d’augmenter les salaires. Un cadeau aux patrons, qui divisera les salariés et servira à différer ou repousser les augmentations de salaires. Si le Medef semble s’en irriter, c’est surtout qu’il estime que ce n’était pas le moment de faire tant de bruit sur la question des salaires pour accoucher d’une prime compliquée et inefficace. Toute cette agitation pourrait en effet donner des idées aux salariés tellement l’hypocrisie est grossière au moment où le ministre du Budget et de la Fonction publique, François Baroin, annonce que les salaires des fonctionnaires seront bloqués une année de plus. Au moment aussi où le gouvernement se refuse à augmenter le Smic au-delà du minimum imposé par la loi. Loin de lutter contre la baisse du pouvoir d’achat, les faux-semblants de Sarkozy voudraient tenter de désamorcer le mécontentement. Pour les travailleurs, la seule conclusion à en tirer, c’est qu’il y urgence à imposer une autre répartition des richesses. C’est tout de suite qu’il faut imposer une revalorisation générale des salaires, des pensions et des minimas sociaux de 300 euros net, pas de revenu inférieur à 1 500 net euros, l’indexation des salaires sur la hausse des prix. C’est bien une véritable campagne politique pour les salaires qu’il faut engager pour aider à la convergence des luttes, préparer un mouvement d’ensemble afin de mettre la prime de Sarkozy à la casse et imposer les exigences du monde du travail.
Yvan Lemaitre