La grève des cheminots, démarrée le 6 avril, se poursuit difficilement, tant les discordes entre syndicats mettent à mal la cohésion du mouvement.Dès le 3 février, une grève de 24 heures « d’ultimatum » avait lieu à l’appel des principales organisations syndicales contre la politique actuelle de la direction de la SNCF. En effet, avec 20 000 suppressions de postes depuis 2002, des réorganisations à tout va, la filialisation d’activités, la casse du fret, le pouvoir d’achat en baisse, les attaques sur les retraites, etc... le mécontentement est réel. Le 23 mars, dans le cadre de la journée de mobilisation sur les retraites, les cheminots sont de nouveau appelés à la grève. Sud Rail dépose alors un préavis reconductible et se voit pour cela écarté du cadre CGT-Unsa-CFDT. Ce dernier appelle à une grève dès le 6 avril. Mais le front syndical privilégié par la CGT ne tient pas longtemps : la CFDT et l’Unsa se retirant, la CGT dépose alors (sous couvert que la mobilisation ne s’annonce pas au même niveau dans tous les secteurs) plusieurs préavis différents pour la même grève ! Le préavis reconductible des conducteurs et des contrôleurs débute le 6 avril à partir de 20 heures, le préavis pour les aiguilleurs débute 24 heures plus tard, pour les cheminots du matériel et de l’équipement, le préavis est de 24 heures... pour le 8 avril ! À cela s’ajoute un préavis déposé par la CFDT pour la seule activité du fret. À Sud Rail, une consultation des syndicats, majoritaire, se prononce pour un préavis reconductible dans tous les services à partir du 6 avril à 20 heures, mais plusieurs s’interrogent ouvertement sur l’opportunité de se lancer dans ce mouvement. FO, n’ayant pas été invité aux interfédérales, décide de boycotter complètement la grève... Au final, les cheminots doivent s’y retrouver avec pas moins de sept préavis différents ! Malgré tout, la mobilisation n’est pas mauvaise. Des secteurs comme les conducteurs et les contrôleurs sont fortement mobilisés avec des taux de grévistes avoisinant les 70 %, principalement dans le sud de la France (Languedoc-Roussillon, PACA, Midi Pyrénées, Rhône-Alpes...). Ici et là paraissent des préavis communs CGT-Sud qui marchent bien. Force est de constater que dans le nord de la France, hormis Rouen et quelques services isolés en Île-de-France, la grève ne prend pas énormément. Mais il suffit parfois de voir les collègues du sud tenir bon pour encourager des cheminots à redéposer des préavis de grève de 48 heures et on a assisté à un second souffle en fin de semaine dernière. Les 19 et 20 avril, la grève tenait encore bon dans plusieurs endroits avec des équipes CGT et Sud unies. La direction de la SNCF, quant à elle, se contente d’expliquer chaque matin que le conflit touche à sa fin. Elle propose dès la deuxième semaine de grève une rencontre pour le 21 avril, « à condition que la grève cesse d’ici-là ». La CGT explique alors qu’il s’agit d’une première victoire, et appelle à reprendre le travail sur la promesse de rencontres régionales et d’une rencontre entre la direction de la SNCF et les syndicats n’appelant pas à la grève (l’Unsa et la CFDT). Alors que Sud appelle depuis le début à une grève reconductible dans tous les services, plusieurs de ses « bastions » sont très faiblement en grève, ce que ne manque pas de pointer la CGT (bien plus dure avec Sud qu’avec l’Unsa-CFDT) qui qualifie à plusieurs reprises Sud d’allié objectif de la direction... le tout relayé par l’Humanité. De fait, dans un premier temps c’est surtout la CGT qui a « poussé » à la grève par rapport à Sud. Et dans tout ça, la mobilisation propre des cheminots, en assemblées générales (AG), n’a jamais été en mesure de dépasser réellement ces divisions. Pourtant, dans les AG des liens se sont créées entre des équipes Sud et CGT et, lorsque les tensions restent fortes, la volonté dans les AG que ces deux organisations se mettent d’accord pour la suite est très présente ! Dans ce contexte pour le moins chaotique, cette grève relève surtout d’une capacité de mobilisation importante des cheminots.
Basile Pot