Publié le Mardi 20 décembre 2016 à 11h40.

Banques : Derrière les suppressions d’emplois, la « silicolonisation » du monde

Entre 2008 et 2015, trois grandes banques françaises, la Société Générale, BPCE et le Crédit Agricole ont supprimé 62 303 emplois. Dans le même temps, BNP Paribas créait 15 889 emplois, le Crédit Mutuel 13 192 et la Banque Postale 961 1.

 

Le cas de BNP doit être relativisé car ce groupe a perdu des emplois depuis 2009. En net, ce sont plus de 30 000 emplois qui sont partis en fumée. La cause est à rechercher dans les pratiques spéculatives des banques qui ont fait payer à leur personnel les pertes, enregistrées notamment aux États-Unis avec les subprimes et en Grèce avec l’explosion de la bulle de crédit immobilière. La Banque Postale, banque publique, et le Crédit Mutuel, banque mutualiste, plus prudentes et plus respectueuses de la déontologie sont les seules à tirer leur épingle du jeu. Mais dans toutes les banques sans exclusion, la pression commerciale et la course au benchmark sont devenues la règle et les risques psychosociaux explosent.Ce mouvement de casse sociale n’est pas propre à la France, car tous les pays ont adopté le même modèle bancaire, celui d’un groupe où coexistent une banque d’affaires et une banque de détail, la seconde au service de la première. Déjà en 2015, les grandes banques européennes avaient annoncé la suppression de 135 000 postes. HSBC, premier groupe bancaire européen, envisageait de supprimer à lui seul 50 000 postes d’ici 2017. Aujourd’hui, au prétexte de l’entrée dans le monde digital, les banques françaises s’apprêtent à opérer une nouvelle saignée. La Caisse d’Épargne de Midi-Pyrénées a annoncé d’ici 2020 la fermeture de 35 agences, soit une réduction de 17 % de son réseau. Entre 2010 et 2020, c’est plus de 29 % de son réseau qu’elle aura supprimé pénalisant les personnes âgées et à revenus modestes.

Vers le technolibéralismeLe digital, présenté comme un horizon inéluctable et une opportunité, recouvre en réalité comme l’a très bien analysé Éric Sadin, la mise en place d’un capitalisme d’un nouveau type, un technolibéralisme qui, via les objets connectés et l’intelligence artificielle, entend tirer profit du moindre de nos gestes. Pour cet auteur, « au-delà d’un modèle industriel, c’est un modèle civilisationnel qui s’instaure, fondé sur un accompagnement algorithmique tendanciellement continu de nos existences. » 2Plus que jamais, il s’agit de mettre au pas la finance en faisant du secteur de la banque et de l’assurance un véritable service public par la socialisation de l’intégralité de ce secteur. Les syndicats doivent prendre toute leur place dans ce combat. Sud Solidaires BPCE a déjà proposé à toutes les organisations syndicales du groupe de s’associer à son combat contre la souffrance au travail, tout en poursuivant inlassablement son action d’information et de sensibilisation auprès d’un personnel qui doit enfin ouvrir les yeux et prendre en main son destin.

Patrick Saurin(porte-parole de Sud Solidaires BPCE)

  • 1. Source SECAFI et l’auteur.
  • 2. Éric Sadin, La Silicolonisation du monde, Paris, éditions l’Échappée, 2016, pp. 28-29.