Après les attentats meurtriers à Paris du 13 novembre, le gouvernement a instauré l’état d’urgence qui a été prolongé pendant trois mois. Cet état d’exception permet au gouvernement d’interdire les manifestations sociales, féministes et écologiques. Mais n’en déplaise à Hollande, Valls et Cazeneuve, la lutte des classes refuse de se taire...
Avec l’instauration de l’état d’urgence, nous vivons désormais sous un régime d’exception qui n’a pas seulement des impératifs sécuritaires mais a aujourd’hui comme fonction de museler la société en installant durablement un état de peur et d’interdire ou du moins de limiter les revendications sociales... Tout cela alors que le patronat et le gouvernement continuent leur politique d’austérité et de casse de nos acquis sociaux.
Un État hors-la-loi... et hors contrôle
Valls défend bec et ongles la mise en place de ce régime d’exception et revendique clairement que l’instauration de l’état d’urgence est une « restriction des libertés » pour « protéger nos libertés ». Ben voyons ! C’est pour cela qu’il a dit aux députés et sénateurs, au moment de la prolongation de trois mois, qu’ils devaient se garder de saisir le Conseil constitutionnel, car il y aurait « des mesures qui ont été votées à l’Assemblée nationale qui ont une fragilité constitutionnelle » : cela risquerait de remettre en cause certaines mesures prises depuis l’instauration de l’état d’urgence !En effet, depuis quelques jours, le zèle et la surenchère sont de mise. 2 000 perquisitions , près de 300 personnes assignées à résidence : des personnes enregistrées « fiche S », mais aussi des maraîchers bio, des squatteurs, des militants associatifs et écologistes... On a donc affaire à un ratissage large, permettant aussi aux forces de police de régler hors procédure judiciaire de vieilles affaires... et aux renseignements de peaufiner la surveillance de certains groupes militants.Et pour couronner le tout, toutes les manifestations – sociales, féministes, en solidarité avec les migrants ou écologiques – à Paris mais également dans de très nombreuses villes, sont interdites. Une interdiction qui vient d’être reconduite jusqu’à la fin de la COP21, au Bourget, dans ses alentours... et sur les Champs-Elysées ! Sous prétexte de « guerre contre Daesh », le but du gouvernement est bien de museler toute contestation sociale et de faire passer le mouvement social pour un ennemi venu de l’intérieur.Pendant l’état d’urgence, la casse sociale continue...L’état d’urgence ne doit pas nous faire oublier que ce gouvernement continue sa politique d’austérité et de destruction sociale et écologique. Macron a sans doute ces derniers jours été le plus clair en rassurant le Medef : l’état d’urgence ne perturbera ni la vie économique ni les réformes engagées et envisagées avant les attentats du 13 novembre. Nous voilà rassurés : le patronat va pouvoir continuer à licencier ou supprimer des emplois malgré des profits toujours plus importants comme à Air France, à empocher tranquillement les milliards grâce au CICE et n’aura bientôt plus « d’entraves » grâce au démantèlement du code du travail programmé par ce gouvernement.Et pour l’accompagner, ce gouvernement continuera, sans doute pour combattre les discriminations et défendre les « valeurs de la France face à la barbarie », les contrôles aux faciès, bloquera les migrantEs aux frontières et continuera à faire de la simple communication sur le changement climatique. Contre-réformes dans la santé, dans l’éducation nationale, suppressions de postes massives dans la fonction publique… Tout reste d’actualité.
La « chemise déchirée » plus forte que les boucliers des CRS
Aucune raison donc que nos ripostes soient annulées ou différées. C’est dans ce sens que de nombreux militantEs ont refusé, alors que d’autres à gauche votaient la prolongation de l’état d’urgence, de se soumettre aux interdictions de manifester, que ce soit en solidarité avec les migrants ou pour la justice climatique. Et la répression ne s’est pas fait attendre : 58 convocations au commissariat distribuées suite à la manifestation en solidarité avec les migrants du 22 novembre dernier à Paris, puis les 341 interpellations dimanche dernier pour les manifestantEs pour la justice climatique, dont des militants du NPA, d’Ensemble ou d’Alternative libertaire.Tous sont loin d’être des « irresponsables », n’en déplaise à celles et ceux qui à gauche ne condamnent pas cette répression... Pour nous, les premiers « irresponsables » sont bien celles et ceux qui votent la prolongation de l’état d’urgence et les mesures liberticides, sans se battre pour défendre un droit démocratique élémentaire, celui de manifester !Avant les attentats et l’état d’urgence, la question sociale était revenue sur le devant de la scène avec la chemise déchirée du DRH d’Air France. Mercredi 2 décembre, à l’appel de l’intersyndicale a eu lieu à Bobigny un rassemblement pour refuser toutes sanctions et tous licenciements pour les salariés inculpés, pour refuser toute criminalisation du mouvement social. Dans ce contexte, cette mobilisation importante remet la question sociale, la violence patronale, dans le paysage. Et d’ores et déjà s’avance à Paris et dans plusieurs villes la marche des chômeurs ce samedi 5 décembre, une mobilisation de grande ampleur pour la justice climatique le samedi 12 décembre, et une nouvelle manifestation en solidarité avec les migrants le 19 décembre. Interdites ou pas, il faudra que ces mobilisations existent, ce qui sera déjà une première victoire.
Sandra Demarcq