Sur fond de débat sur la déchéance de la nationalité et de prorogation ou non de « l’état d’urgence », 2016 débute par une semaine particulièrement anxiogène de commémoration de la tuerie de Charlie hebdo il y a tout juste un an...
Pas une chaîne de télé qui n’aie programmé pour l’occasion une série de « reportages » ou de « débats ». Le point d’orgue en sera le rassemblement concert du 10 janvier place de la République où l’on pourra écouter les Chœurs de l’armée française et la toujours sémillante idole des jeunes Johnny Halliday.
L’heure des bilans
L’état d’urgence arrivant à échéance le 26 février, de quel bilan positif le gouvernement peut-il se prévaloir dans sa « lutte contre le terrorisme » ? à notre connaissance, aucune cellule de Daesh n’a été à ce jour démantelée après plus de 3 000 perquisitions – excusez du peu – et 309 gardes à vue, dont une bonne partie étaient consécutives à des manifestations non autorisées.Par contre, les atteintes à nos libertés fondamentales ont, elles, été légion : interdictions de manifester, assignations à résidence, gardes à vue abusives, etc. faisant l’objet de 46 procédures judiciaires pour excès de pouvoir. Notons que le ministère de l’Intérieur n’a pas jugé utile d’établir un bilan des « 453 infractions constatées » qui ferait la différence entre celles relevant du droit commun et celles relevant d’une « entreprise terroriste ». Et ce n’est pas la baisse de 15 % de voitures brûlées dans la nuit de la Saint-Sylvestre qui pourrait embellir le tableau !
Les pieds dans le tapis
Frénésie répressive et amateurisme semblent être les carburants essentiels de la politique actuelle du gouvernement. Lâché par la plupart de ses soutiens dans son projet de loi sur la déchéance pour les Français ayant une double nationalité, il semble qu’il n’envisage plus à présent de proroger l’état d’urgence au delà du 26 février, alors qu’il nous promettait il y a peu un état d’urgence permanent. Ces reculades, si elles se confirmaient, seraient l’expression d’un échec supplémentaire pour un gouvernement déjà fortement discrédité.Ces possibles reculs sont d’abord à mettre au crédit d’un mouvement social qui, bien que minoritaire dans une « opinion publique » traumatisée, a su, dans une situation politique difficile, ne pas renoncer à se rassembler, manifester, tenir des meetings, faire grève... Dire tout simplement Non ! Ils sont aussi l’expression d’une totale absence de stratégie de la part de ceux qui nous gouvernent ou qui prétendent les remplacer en 2017.
Ne pas relâcher la pression
Nul doute que c’est sur la question de la déchéance de la nationalité que le débat va se focaliser dans les prochains jours. Nul doute non plus qu’un « plan B » émerge pour sortir le gouvernement du guêpier dans lequel il s’est fourré. Mais il ne faudrait pas que ce débat, certes important mais aux conséquences essentiellement « symboliques », occulte ou « relativise » les autres fronts de lutte du mouvement social. Parmi ceux-ci, vendredi 15 janvier à la Bourse du travail de Paris un meeting contre la guerre à l’appel d’intellectuels, ou le 23 janvier une manifestation à Calais dans le cadre d’une journée internationale de solidarité avec les migrant Es.Le collectif « Stop l’état d’urgence », après la réussite d’un premier meeting à la Bourse du travail mi-décembre, se réunit ces prochains jours pour préparer une mobilisation nationale le 7 février. Celle-ci sera vraisemblablement précédée par une initiative parisienne courant janvier. Il propose également l’ouverture d’un site internet, et la mise à disposition d’un logo commun « stop l’état d’urgence » pour l’ensemble des mouvements qui s’opposent à celui-ci.Des convergences importantes se sont exprimées ces dernières semaines sur les questions de la guerre, de l’islamophobie, des réfugiéEs et migrantEs, de la déchéance de la nationalité. Toutes ces thématiques sont interdépendantes et nous offrent la possibilité d’un Tous ensemble qui permettrait au mouvement social de faire un saut qualitatif et quantitatif, qui renforcerait tous les fronts de lutte. C’est à cela que doivent s’atteler prioritairement les anticapitalistes ces prochaines semaines.
Alain Pojolat