Publié le Dimanche 12 mars 2017 à 08h56.

Exclusion numérique

Ceux qui ont vu le dernier film de Ken Loach se souviennent de Daniel Blake aux prises avec un ordinateur dans un Job center anglais (l’équivalent de Pôle emploi). En France aussi, pas mal de personnes sont en difficulté, et en danger d’être écartés de leurs droits sociaux par la généralisation du tout-numérique.

Certes, de plus en plus de personnes possèdent un smartphone et/ou un ordinateur. Mais les enquêtes montrent que ce n’est pas le cas de tout le monde et que ceux qui en disposent ne sont pas tous des virtuoses du numérique. Pour se limiter aux seuls ordinateurs, 15 % de la population (pas moins de 10 millions de personnes) n’a pas accès à internet à domicile. Un taux qui dépend du revenu, de la profession et de l’âge. Les inégalités se logent de plus en plus dans l’usage. Certains savent regarder des vidéos sur YouTube ou envoyer des mails mais guère plus... Car faire des démarches administratives en ligne, ce n’est pas forcément évident : ainsi, 15 % des adultes s’en disent incapables, même avec de l’aide, et 19 % disent avoir besoin d’être aidées.

Les services du Défenseur des droits ont mené une enquête sur les réponses des services sociaux (assurance maladie, allocations familiales) et de Pôle emploi aux appels téléphoniques : « l’enquête a permis de relever un renvoi fréquent vers le site internet de l’organisme sans que les conseillers ne prennent en compte au préalable de la possibilité ou non d’accéder à internet. »

S’inscrire au chômage, faire valoir ses droits pour toucher une allocation ou sa pension de retraite : pour toutes ces prestations, et bien d’autres encore, les personnes sont incitées à passer par internet, voire obligées de le faire. L’alternative, quand il y en a une, est de faire la queue à des guichets où les agents sont débordés... Internet devient aujourd’hui un prétexte pour renforcer les suppressions d’emplois et les fermetures des points d’accueil physique des services publics. Et que certains soient en conséquence écartés de leurs droits n’est visiblement pas la préoccupation de ceux qui décident dans cette société !