Alors que le président Macron, encore malade, offrait à ses sujets des vœux surjoués à la télévision et que la campagne de vaccination patinait, les chaînes d’information en continue ont trouvé leur marronnier, tentant maladroitement de cacher la forêt du désastre sanitaire : la free party de Lieuron.
Ce 31 décembre, près de 2.500 personnes se sont réunies dans un hangar entre Rennes et Nantes pour fêter la nouvelle année, et surtout la fin de la précédente. Ils ont quitté les lieux le 2 janvier au matin, entre-temps, la machine politico-médiatique s’était mise en route.
Nous avons assisté, en guise de premières images de 2021, à un défilé de chroniqueurs et autres politiciens scandalisés que des jeunes rebelles («rebelles», parce que les mots « racailles » et les « voyous » sont réservés par le vocabulaire raciste aux « noirs et arabes ») de punk à chiens aient pu faire la fête le Premier de l’an. On avait déjà assisté à ce même battage en juillet pour une teuf dans la Nièvre et en août pour une teuf en Lozère. Cette fois-ci, dix ans d’emprisonnement sont encourus pour deux organisateurs présumés.
Le harcèlement policier contre les free parties
Est-il nécessaire de rappeler que les free parties sont, Covid ou non, interdites, chassées et réprimées par les pouvoirs publics depuis bien longtemps ? En 2001, l’amendement Mariani s’attaquait déjà à ce mouvement, indépendant, incontrôlable et non-marchand en imposant la déclaration en préfecture et en instaurant la saisie du matériel des organisateur·rices ainsi qu’une pénalisation sévère de ces fêtes.
La mort de Steve Maia Caniço, tué par la police lors de la fête de la musique 2019, nous avait rappelé les conséquences directes d’une telle politique.
La tekno est une contre-culture, et les free parties des actes politiques. Elles disent merde au pouvoir et à ses flics, elles disent merde au marchand et à ses soirées dans lesquelles on ne rentre pas en baskets, elles disent merde à l’ordre établi et à la fête officielle.
La menace sanitaire est toujours bel et bien présente, le pays n’est pas passé sous la fameuse barre des 5.000 contaminations par jour, la deuxième vague n’en finit pas de se prolonger, le virus mute, en France, seulement 516 personnes ont été vaccinés (contre 950.000 au Royaume-Uni, 239.000 en Allemagne et 84.000 en Italie) et les infirmières sont plus que jamais à bout de souffle. Après le mensonge d’État sur les masques, le fiasco des tests et le confinement métro-boulot-dodo, le pouvoir continue son entreprise de culpabilisation individuelle. Selon le bien-aimé préfet de Paris, « Ceux qui sont hospitalisés [sont ceux qui] n’ont pas respecté le confinement ». Cette politique verticale descendante, appliquée à la matraque est une impasse politique, sanitaire et démocratique.
Des structures d’auto-organisation indépendantes de l’État
Le gouvernement et sa police ont choisi la méthode autoritaire, comment s’étonner alors, que les maraudes se fassent malgré eux, que les manifs se fassent contre eux et que les fêtes se fassent sans eux. Attisant la frustration de celles et ceux qui n’ont pas festoyé, la campagne politico-médiatique semble ignorer que les organisateur·rices ont organisé, planifié, réfléchi cette fête. Le choix du lieu, un grand hangar ouvert, a été pensé pour réduire les risques. Des masques et du gel gratuits étaient à disposition et les consignes de l’ARS Bretagne (Agence Régionale de Santé) ont été données : gestes barrières, se faire tester, se mettre en quarantaine à l’issue de la soirée. Techno +, une association de RDR (Réduction Des Risques) était également présente pour accompagner ces dernières de consignes spécifiques, comme ne pas partager les bouteilles (pratique courante de la convivialité en teuf) exerçant également leurs rôle habituel de prévention face à tous les risques (IST, drogues, feu, piercing...) mais aussi un lieu d’accueil et de prévention autour de la question du consentement, contre le sexisme, LGBTphobies, racisme etc…
Le monde de la teuf revendique l’autogestion, c’est un milieu qui est en perpétuelle évolution. Les thématiques écologiques ont accompagné un plus grand respect de l’environnement et des lieux de fête que dans les années 2000 par exemple. Ce mouvement avance au gré des luttes et des évolutions de la société, au nez et à la barbe de la police. Il ne peut être vu indépendamment des luttes politiques actuelles, des ZAD, des Nuits debout et des récentes mobilisations contre la loi sécurité globale. Et si cette fête fait plus parler que les arrangements avec le fou du Puy, les séances dédicaces de Miss France à plusieurs milliers dans des centres commerciaux, ou les repas en non-mixité masculine du président, c’est certainement plus une histoire de pouvoir, qu’une histoire de Covid.
Nous ne le répéterons jamais assez, il faut être solidaire des personnels de santé, prendre soin de soi et du prolétariat, réduire au maximum les risques de contaminations, en finir avec cette maladie, et pour cela, il faut aussi pointer du doigt les vrais responsables.