L’Assemblée nationale examine un projet de loi visant à faire payer les semences de ferme.
Les firmes semencières soucieuses d’augmenter encore leurs profits veulent faire payer les agriculteurs en taxant les semences de ferme. Cela fait l’objet d’un projet de loi qui passe en ce moment devant l’Assemblée nationale. Mais utiliser les semences issues de la récolte et les échanger est un droit des agriculteurs. C’est sur ce droit, reconnu par les traités internationaux, que se fonde l’indépendance paysanne, que se construit la souveraineté alimentaire et la biodiversité cultivée. Si cette loi est votée, c’est encore un rempart contre la marchandisation et l’industrialisation du vivant qui saute, ce sont les profits de quelques-uns qui sont privilégiés face aux droits de la majorité de la population.
Les agriculteurs ont toujours semé et échangé des semences. Cette pratique restait donc en dehors du marché et ne générait pas de profit. Mais dès le début du xxe siècle, les sélectionneurs de semences ont fait des efforts considérables pour les contrôler. La création du maïs hybride découle essentiellement de cette guerre silencieuse. Tout au long de ce bras de fer entre paysans, défenseurs de l’environnement et firmes semencières, l’obsession a été de faire en sorte que les agriculteurs payent à chaque fois qu’ils ressèment. Quand une solution technique était impossible à mettre en œuvre, un arsenal juridique était adopté. C’est pourquoi tout au long du xxe siècle la liberté paysanne a été limitée : inscription des variétés homogènes, stables et distinctes dans un catalogue officiel, protection des droits obtenteurs par un certificat d’obtention végétale (COV) permettant de toucher des royalties quand des semences certifiées étaient réutilisées.
Progressivement, les agriculteurs ont été obligés de se servir dans ce catalogue et de payer en échange. L’argument pour légitimer tout ce dispositif est que des variétés homogènes et stables sont nécessaires, et qu’il faut donc rémunérer les firmes semencières.
Mais, ces semences certifiées ne sont nécessaires que dans le cadre d’une agriculture industrialisée tournée vers le productivisme. Une production hyperspécialisée, structurée en filières, générant des monocultures et permettant des rendements élevés. Les conséquences, ce sont peu de variétés commercialisées, sélectionnées selon les besoins des agro-industries, une érosion sans précédent de la biodiversité et une diminution de la rusticité des cultures. Pour circuler dans un marché, les semences doivent être un produit inerte.
Par ailleurs, depuis des siècles, le travail de sélection est assuré par les paysanEs, de manière locale et collective, selon les besoins réels des populations et les possibilités de l’environnement et non pas pour générer des profits. De plus, à aucun moment ces multinationales n’ont payé les communautés paysannes pour les semences qu’elles puisaient chez elles. Encore aujourd’hui, ces entreprises semencières ou pharmaceutiques pratiquent la biopiraterie…
Pour exiger le retrait de cette loi, rendez-vous le 19 novembre à Angers à 9 heures, place du Pilori, aux rencontres paysannes et fermières d’Anjou. Et prochainement retrouvons-nous devant l’Assemblée nationale, pour rappeler aux députés que les droits des agriculteurs, le droit à la souveraineté alimentaire et la préservation de la biodiversité sont plus importants que les profits des agro-industriels !
R. Milia