Publié le Dimanche 13 février 2011 à 19h54.

Normicides

Robert,c’est fini entre nous. C’est vrai qu’au début, ta sensibilité m’a émue : tes chats, tes livres, ton goût pour la décoration, tes chemises assorties… à tes chaussettes. Et même, ton amour pour ta mère... Bon, mais là, je n’étais plus vraiment moi-même. Je me souviens de nos grandes promenades en amoureux pendant que les copines remplissaient à tour de bras les frigos de bières avant de subir les matchs de foot sur canapé.Moi, les canapés je les mangeais et toi tu les tartinais... Tu étais tellement différent des autres. C’est toi, d’ailleurs, qui voulais des enfants. Je t’en prie ne pleure pas… Sur les tâches ménagères, rien à te reprocher : tu passais l’aspirateur, faisais la cuisine et le week-end, tu repassais tes chemises. Mais je vais te dire Robert, j’en ai marre de ton côté gendre idéal, homme moderne. Parce que quand il s’agit de planter un clou, changer le joint de l’évier, allumer le barbecue, prendre des initiatives, y’ a plus personne. Arrête de pleurer, Robert.Je ne parle même pas de ce jour mémorable où, sur la route des vacances, j’ai dû changer cette maudite roue crevée sous la pluie pendant que tu comptais les secondes, arguant du fait que le temps moyen de survie au bord d’une autoroute est de 8 secondes, tu hurlais que tu m’aimais en me pressant de rentrer dans la voiture. Et ça ne sert à rien de pleurer. D’ailleurs, j’en ai marre de ta vulnérabilité, de panser tes blessures, de porter la culotte, de payer les factures, d’être le bonhomme, d’être la baronne, d’être la patronne.Il y a six mois, j’ai rencontré Raoul. Un musclé, un poilu, un dur, un vrai, un qui sent la testostérone. Dans ses bras, je me sens femme. Comprend-moi, je veux de la normâlité et je te quitte. Et arrête de chialer : les hommes, ça pleure pas ! ... Dur, dur d’être un homme moderne !CherE lecteur-lectrice, si toi aussi tu en as marre qu’on voie ton nez au milieu de ta figure, si tu ne veux plus culpabiliser quand tu ouvres ton frigo ou que tu oublies la fête des mères, bref si tu as repéré une norme qui te pourrit l’existence, ton témoignage est le bienvenu. Envoie-le à la rédaction de Tout est à nous ! qui le transmettra à l’équipe Normicides.