La droite défaite dans les urnes Les élections régionales ont constitué un cinglant désaveu pour l’équipe au pouvoir. Il s’est exprimé par des moyens divers, la claque magistrale de la droite, la force de l’abstention, le score élevé du FN, que la politique de Sarkozy a produit en prétendant le contenir, le score important du PS, redevenu hégémonique à gauche, avec des partenaires ayant chacun réussi une forme de réorganisation, même si, la suite l’a montré, la crise de leadership demeure généralisée… Le gouvernement avait donc perdu toute légitimité au moment où il allait aggraver la violence de sa politique antisociale. La perspective d’une défaite de la droite en 2012 apparaissait soudain crédible et il ne restait plus à Sarkozy qu’à tenter de réunifier son camp en opérant un tournant plus à droite encore. Du côté du NPA, si l’on était plus que satisfaits de l’échec de la droite, on était moins fiers de notre propre prestation. Les résultats du NPA furent globalement décevants, même s’il faut nuancer en fonction des régions et des configurations. ChacunE s’accordait pour l’essentiel sur les facteurs objectifs qui ont pesé. Le vote utile pour le PS a pesé lourd, dans une situation où les électeurs, alors peu confiants dans la perspective d’un mouvement d’ensemble, en étaient à considérer que Sarkozy ne pouvait être défait que sur le plan électoral. Dans un tel contexte, les forces qui, tout en se situant en critique vis-à-vis du Parti socialiste, assument avec lui la logique d’une gestion institutionnelle commune, en souhaitant la tirer un peu plus à gauche ou un peu plus sur le terrain des préoccupations écologiques, ont pu tirer leur épingle du jeu. Notre orientation anticapitaliste et indépendante du social- libéralisme, qu’il nous faut évidemment assumer et réaffirmer, nous situe en décalage avec cette aspiration au « moindre mal ». Mais il fallait bien discuter de ce qui dépendait de nous : pourquoi ne sommes-nous pas parvenus à convaincre qu’il était utile de voter anticapitaliste ? En la matière, les bilans furent très divers. Petite enfance, les bébés ne sont pas des sardinesUn décret pris par Nadine Morano, alors ministre de la Famille, prévoit de modifier les dispositions régissant l’accueil des jeunes enfants dans les crèches, avec de nouvelles normes d’encadrement instaurant un surnombre de 20 %. Le décret prévoit également la réduction de la formation des personnels. Alors même que le secteur est confronté à un manque criant de moyens, la politique d’austérité du gouvernement Fillon menace de dégrader tant le service que les conditions de travail des personnels. La riposte s’organise autour du collectif « Pas de Bébés à la consigne » qui regroupe associations professionnelles et syndicats de la petite enfance, du secteur social et de l’Éducation nationale, associations de parents d’élèves et familiales. Plusieurs journées de grèves et de manifestations associant parents et salariéEs du secteur ponctuent la mobilisation tout au long de l’année 2010. Violences contre les femmesAvec un débat à l’Assemblée nationale puis au Sénat et l’adoption d’un nouveau texte législatif, 2010 aurait pu marquer une étape importante dans la lutte contre les violences faites aux femmes. Mais les résultats obtenus sont fort timides et assez éloignés de la revendication d’une loi-cadre portée par le mouvement féministe et, tout particulièrement, par le Collectif national pour les droits des femmes (CNDF). Le projet initial a été vidé de son contenu : ainsi seules les femmes victimes de violences conjugales bénéficieront de l’ordonnance de protection. Les victimes de la traite des humains, d’exploitation ou d’esclavage moderne en seront écartées. Les définitions de l’autorité parentale et de l’intérêt de l’enfant sont également supprimées. Les femmes d’origine étrangère doivent être mariées avec un Français ou une personne régularisée pour bénéficier de la loi, mais le texte n’est pas applicable aux ressortissantes algériennes… 2010 a été aussi l’occasion d’initiatives militantes pour célébrer les 40 ans du Mouvement de libération des femmes, d’une manifestation en juin à l’initiative de la Marche mondiale des femmes. Sans compter les mobilisations de l’automne contre le démantèlement des retraites dont les femmes sont particulièrement victimes. Le bel automneVoilà sans doute l’événement qui marquera le plus durablement les mémoire et les esprits. Les mobilisations de l’automne ont constitué la première réponse d’ensemble, sur le terrain social, à la politique des classes dominantes qui ont résolu de faire payer la crise à la majorité de la population, en France comme dans le reste de l’Europe. Mais on ne partait pas de rien ! Cette riposte avait été préparée par le mouvement avorté de 2009 mais aussi un réveil de la combativité ouvrière dans les mois qui ont précédé. Et puis, c’est un fait, la crise économique et sociale était (est encore !) doublée d’une profonde crise politique, liée au rétrécissement de la base sociale d’un sarkozysme démuni et dont la nature de classe apparaît pour ce qu’elle est à la faveur des différents scandales politico-financiers. De la conjonction de ces éléments a résulté le mouvement le plus puissant depuis longtemps, surprenant par sa force, sa longévité, ses formes et le soutien massif qu’il a provoqué. On en retient notamment le caractère interprofessionnel, et le fait que la mobilisation épouse nettement les frontières de classe, incarnant le salariat, non seulement comme manifestation publique d’un fait statistique, mais également comme expression d’une réalité sociologique et politique. Reste que l’entrée en grève a été difficile, la grève reconductible fragmentée et la grève générale hors d’atteinte, échec imputable aux principales directions syndicales mais aussi aux difficultés qui marquent la situation. Si l’unité syndicale a constitué un facteur décisif pour que le mouvement ait lieu, il est tout aussi évident que les grandes centrales voulaient à tout prix éviter un affrontement direct avec le pouvoir. Dès lors, le fait que l’auto-organisation ait au total été assez faible et n’ait pas permis de bousculer les rythmes de l’intersyndicale a pesé lourd sur l’issue du mouvement. Il n’empêche : la situation politique et sociale est profondément modifiée par le mouvement, qui a révélé l’existence d’une nouvelle génération ouvrière et qui doit aujourd’hui trouver les moyens de son expression politique. On peut compter sur le NPA, dont les militantEs ont été impliquéEs au cœur des mobilisations, pour favoriser le débat sur ces questions décisives. Page réalisée par Ingrid Hayes et François Coustal