La lutte des travailleurs sans-papiers est exemplaire, parce qu’elle met en avant la question de la précarité et de la nécessité de lutter contre la mise en concurrence des salariés.
La grève des travailleurs sans papiers dure depuisplus de dix semaines. Elle touche environ 6000 travailleurs, dont environ 400 travailleuses dans l’aide à la personne,et concerne 2100 entreprises dont certaines en province. Elle est animée par une alliance d’organisations syndicales et d’associations antiracistes, ce qui est assez rare, et les deux forces syndicales les plus engagées et amenées à travailler ensemble sont la CGT et Solidaires, ce qui est encore plus rare.
Le gouvernement joue le pourrissement et l’épuisement des grévistes, puisque la circulaire Besson, lancée pour désamorcer le mouvement, est établie pour limiter son recul à un millier de régularisations. Il poursuit le harcèlement répressif,comme le 15 décembre à Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), où la police a évacué 60 travailleurs qui occupaient l’agence Randstadt. Dans un courrier à Xavier Darcos mi-décembre, les syndicats et organisations considèrent la proposition du gouvernement comme «remarquablement vide et floue. Elle laisse une très large marge d’interprétation aux préfectures, dont l’arbitraire avait précisément été à l’origine de l’interpellation du premier Ministre...L’essentiel de nos revendications restent insatisfaites». Les grèves et les occupations vont donc se poursuivre pendant les fêtes de fin d’année. Mais le problème des perspectives se pose inévitablement.
En effet, cette lutte ne peut être séparée de la situation politique. Elle met en cause directement la politique du gouvernement, qui a décidé de mener une campagne raciste de grande ampleur. Le débat sur l’identité nationale n’a qu’un but: «diviser pour mieux régner», faire des immigrés et des musulmans des boucs-émissaires alors que le gouvernement et les patrons font payer la crise à tous les travailleurs, français et immigrés. Pour l’instant, la direction de la CGT refuse de faire le lien: «On n'a pas envie d'un débat idéologique. Ces travailleurs bossent ici, il faut qu'ils restent ici», a résumé Francine Blanche, secrétaire confédérale de la CGT.
Pour nous, au contraire, la lutte des sans-papiers est une lutte sociale et politique, qui concerne tous les travailleurs, immigrés et français. Pour l’instant, le gouvernement n’a pas encore gagné la bataille de l’opinion. La lutte des sans-papiers reste populaire. Mais ils ne pourront pas gagner seuls, l’enjeu est trop important pour le gouvernement, qui ne veut pas apparaître comme régularisant massivement les sans-papiers, alors que son discours ne fait que reprendre celui du FN. Au contraire, notre soutien à la lutte des sans-papiers est un point d’appui pour combattre l’offensive raciste sur l’identité nationale, il faut donc mener une lutte sociale et idéologique !
En région parisienne comme en province, il faut multiplier les comités de soutien aux sans-papiers. Nous disposons d’outils pour cela. Le NPA a pris l’initiative de convoquer une réunion unitaire des partis et mouvements politiques de gauche pour une déclaration commune et pour un tract unitaire1, instrument précieux pour que, dans toute la France, naissent des comités de soutien impliquant un large front unique. Des initiatives publiques partout sont souhaitables. Cette campagne doit s'articuler avec l'appel large pour la «suppression du ministère de l'immigration et de l'identité nationale». Il s'agit de dénoncer la véritable nature de ce ministère, qui n'est que celui des rafles, des expulsions, des charters, du racisme, de l'islamophobie et de la honte. À nous, anticapitalistes, antiracistes, et internationalistes, de montrer que l'immigration n'est pas un problème, que la seule véritable solution est la régularisation de tous les sans-papiers. Face à l'Europe forteresse de Besson et compagnie, nous opposons la liberté de circuler pour tous. Il ne s'agit que d'appliquer aux personnes ce que le capitalisme fait pour les marchandises...
Il n'y a pas un moment à perdre. Cette épreuve de forces pour la régularisation des travailleurs sans papiers engagée contre le gouvernement concerne tous les travailleurs. De son issue dépendront beaucoup de batailles futures, et pas seulement sur l’immigration…
Emmanuel Siegelmann et Antoine Boulangé
1. Appel des organisations de gauche (NPA, PCF, Verts, PG, LO, PCOF, AL, FASE, GU) disponible sur le site du NPA.
Infos – pétition: http://www.travailleurssanspapiers.org
Soutien financier: Chèque à l'ordre de «Solidarité sans-papiers» à envoyer à :CGT service comptabilité, 263 rue de Paris, 93100 Montreuil