Publié le Lundi 6 juillet 2009 à 18h09.

Yemenia Air : poubelles volantes rentables

L’accident de l’Airbus A310 de Yemenia Air, qui a fait 152 victimes, pose la question de l’inégalité de la sécurité dans les transports aériens. Les passagers, qui voulaient rejoindre Moroni (Comores), avaient embarqué sur un A330, à Paris puis à Marseille, et avaient  fait escale à Sanaa (Yémen) pour changer d'avion.

L’Airbus 310, pris pour le dernier tronçon, était de technologie plus ancienne, en mauvais état et avait fait l’objet d’inspections révélant un entretien défaillant en 2007.

Pourquoi ce changement d’appareil ? L’avion n'avait pas été formellement interdit en France – contrairement à ce qu’avait affirmé dans un premier temps le secrétaire d’état aux Transports, Dominique Bussereau, pressé de dégager sa responsabilité. Yemenia Air mettait un avion plus récent au départ de France pour éviter toute saisie éventuelle. Le dernier tronçon, où les contrôles techniques sont moins sérieux, était donc connu pour révéler de mauvaises surprises aux passagers. Plusieurs plaintes avaient déjà été émises, une association de passagers avait même été créée pour faire cesser cette situation, avec courriers aux autorités françaises et comoriennes.

Après l'accident, des manifestations ont eu lieu, aux aéroports de Marseille-Provence et de Roissy, pour bloquer les vols de la compagnie qui a fini par suspendre une partie de ses vols. Plusieurs dizaines de milliers de manifestants ont défilé à Marseille, samedi 4 juillet, 5000 à Paris dimanche, aux cris de « plus de poubelles volantes, les morts n'ont pas de prix, nous nous battrons jusqu'au bout ».

L’accident a été marqué par plusieurs dérapages médiatiques, expliquant qu’il n’y avait quasiment pas de Français à bord, avant de découvrir qu’une très importante communauté de Français d’origine comorienne vit à Marseille et Paris. Yemenia Air ne faisait pas partie de la fameuse liste noire des compagnies dangereuses, où l’on retrouve pas mal de compagnies de pays dits du tiers-monde (Gabon, République du Congo, Swazyland, République Kirghize, Bénin, Angola, Kazakhstan, Ukraine, Thaïlande, Guinée équatoriale, Indonésie). Les Comores sont un des états les plus pauvres de la planète, sous-produit de la politique coloniale française en Afrique, et il est un peu facile pour les autorités françaises de se dégager de leurs responsabilités sur les autorités comoriennes, même si celles-ci connaissaient aussi la situation et laissaient faire.

On retrouve aussi l’abandon du service public. La ligne Paris-Moroni était assurée par Air France avant d’être abandonnée, comme beaucoup d’autrese, car jugée pas assez rentable pour un groupe privatisé visant avant tout la clientèle affaires. Ce drame met en relief une situation de transport à plusieurs vitesses où, suivant son pouvoir d’achat et son origine, on a droit à plus ou moins de sécurité. A l’image de l’indemnisation, qui pour les assurances varie suivant la fortune personnelle de chacun. Plus on est pauvre, moins chère est la vie. 

Joël Ghost