Le financement de la politique en France (épisode 2)1.
La première mouture embryonnaire de la fameuse « loi de 1988 » posa les bases d’un système dont les trois volets existent toujours et forment un tout cohérent. Le premier volet porte sur le respect de la probité des dirigeants et sur ce que l’on n’appelait pas encore la « transparence de la vie politique ». Le second volet porte sur le financement des élections.
Liberté sous contrôle
Le troisième volet porte sur le financement des partis politiques. Il constitue la clé de voute d’un « contrat politique » qui organise le lien entre les partis et les institutions, entre, d’une part, le respect constitutionnel de la liberté politique d’organisation et, d’autre part, le contrôle de l’État sur celle-ci. Plusieurs lois viendront le faire évoluer : 1990, 1993, 1995, 2013, 2017. D’un côté, l’État offre aux partis une déduction fiscale pour leurs donateurEs et cotisantEs ainsi que l’accès à une aide publique à double étage. Le premier est conditionné par les résultats aux élections législatives, le second par le nombre de députés et sénateurs affiliés via un groupe parlementaire. En échange, l’État s’arroge le droit de contrôler et d’encadrer le financement ainsi que les comptes des partis.
Il s’agit d’un équilibre instable dans le cadre d’une démocratie bourgeoise dont on connait les limites mais aussi la décomposition progressive et accélérée. En effet, toujours plus pressée par les effets délétères de turpitudes étalées dans les médias et devenues insupportables à des masses légitimement écoeurées, les lois successives s’imposent contradictoirement et de manière accélérée à la bourgeoisie depuis 30 ans. On se perdrait ici à citer et analyser tous les scandales politico-financiers dans leur diversité. L’important est de comprendre la signification politique et sociale mais aussi les risques induits par les réponses législatives qui y sont apportées.
Certes, la sédimentation législative sur le financement et la « moralisation » de la vie politique n’a rien d’anecdotique. Mais toutes ces lois ne s’attaquent pas aux racines du mal. Plus encore, elles ont même tendance à l’accentuer puisque ce qui était toléré et caché a progressivement fait irruption sur la place publique et devant les tribunaux, révélant le vrai visage d’un système qui se décrédibilise d’autant qu’il essaye de s’ablater une tumeur congénitale qui n’en finit pas de ressurgir ailleurs, toujours plus maligne, dans un retour du refoulé des pratiques de classe. Par ailleurs, puisque conçus et votés par ceux-là mêmes qu’elles visent, ces dispositifs ont des limites et points aveugles plus ou moins bien calculés pour ménager leur contournement, en attendant l’inévitable tour de vis suivant.
Défendre la liberté d’organisation politique
Mais surtout, cette machinerie produit des effets (in)directs et (in)volontaires sur les petites formations, surtout quand elles sont des ennemis de l’État. En clair, des lois présentées comme des avancées peuvent contenir des coups bas enrobés de probité. Pire encore, dans le cadre d’une large dynamique de recul démocratique, la réglementation du financement de la vie politique peut se faire le vecteur contradictoire dudit recul sur la base d’une logique objective et parfois subjective. En effet, moins compréhensible et visible que les lois scélérates contre le terrorisme, contre le « séparatisme » ou pour la « sécurité globale », la machinerie de contrôle financier des élections et des partis n’en reste pas moins un outil puissant.
Des comptes contrôlés par la Cour des Comptes ? Une réduction drastique du plafond et de la déduction fiscale pour les dons et cotisations ? Une aide publique favorisant encore plus les partis ayant les meilleurs résultats électoraux ? Un changement de statut juridique faisant des formations politiques des associations très encadrées et devant être « adoubées » par l’État, même si elles ne participent pas aux élections ? Des lois purement électorales visant à « assainir l’offre politique » (nombre de parrainages pour la présidentielle). À force d’accentuer et multiplier les contrôles, limitations et peines en tous genres, la liberté d’organisation politique pourrait se virtualiser très rapidement. En revanche, vos dons sont bien réels et vitaux pour le NPA !
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- 1. Cet article fait suite à celui publié la semaine dernière : https://lanticapitaliste…