Publié le Lundi 9 juillet 2012 à 15h17.

Tribunes de débat pour la réunion nationale du NPA

Les textes suivants sont des tribunes rédigées par les différentes positions soumises aux votes pour alimenter le débat publiées dans TEAN quelques jours avant la rencontre nationale.

Position E - Propositions concrètes pour une réorientation immédiate du parti

Parmi les points communs à l’ensemble des plateformes présentées lors de cette CN figure le constat de la crise qui traverse notre organisation. Mais là où les points de vue diffèrent, c’est dans la manière de la surmonter.

Pour la Gauche anticapitaliste « sortiste » (plateforme G), le NPA est mort, il faut aller au Front de Gauche car il aurait une dynamique militante. En fait, les camarades sont obnubilés par le succès médiatique et électoral de Mélenchon, qui lui a permis d’attirer une bonne partie des syndicalistes et des travailleurs qui luttent. Et, sur le fond, ils s’adaptent à toute vitesse aux orientations antilibérales du FdG et leur volonté de le rejoindre s’accompagne du renoncement à défendre la moindre perspective révolutionnaire.

Pour la plateforme F (la P1A, centre de la direction, et ses alliés de la GA restante), au-delà de la promesse d’une « réflexion sur nos modes de fonctionnement », il ne faut surtout rien changer à l’orientation. Sous prétexte de « rassembler le parti », elle propose de continuer avec des formulations ambiguës sur le FdG et les élections, en refusant de mettre en avant tout programme révolutionnaire, en ne disant rien de l’internationalisme et en ne préconisant même pas les axes concrets pour l’implantation et l’intervention du parti dans les prochains mois.

Face à cela, les plateformes I (P2 et quelques autres) et H (Fraction l’Étincelle) ne présentent pas une alternative conséquente. La plateforme I se contente de deux amendements au texte F : délimitation à l’égard du FdG et priorité aux luttes ; leur contenu va dans le bon sens, mais tout le reste du texte reste flou et la démarche même des amendements contribue à semer la confusion au lieu de changer réellement l’orientation. La plateforme H présente une résolution correcte par ce qu’elle dit, mais très insuffisante car négligeant la défense d’un programme de transition révolutionnaire et l’internationalisme.

En faisant des propositions concrètes sur des aspects essentiels pour une réorientation radicale, nous ne faisons pas la « politique du pire », comme nous en accuse pourtant la direction de la P2. Nous récusons cet « argument » d’intimidation qui est analogue à celui du « vote utile » dans les élections bourgeoises. S’il y a des divergences substantielles, il est logique et sain qu’elles s’expriment et se soumettent au vote des camarades. Ce n’est pas cela qui menace l’unité du parti, contrairement à ce qu’affirme la direction dans une logique d’appareil. La CN de l’an dernier le prouve : on peut très bien présenter des plateformes différentes au vote, puis se rassembler pour mener ensemble les campagnes décidées... en espérant qu’elles ne seront pas cette fois qu’électorales !

C’est pourquoi, tout en allant jusqu’au bout de notre démarche pour une réorientation radicale, mais constatant qu’elle est minoritaire après le vote des AG, nous proposons concrètement que, au cours même de cette CN, se rassemblent toutes et tous les camarades qui se retrouvent dans les trois points suivants :- indépendance politique totale par rapport au FdG, contre tout « front politique durable » ;- priorité à l’implantation dans le monde du travail et aux luttes, contre l’électoralisme, pour de vraies décisions de construction et de vraies campagnes, à commencer par les licenciements ;- prise d’initiatives du NPA dans la lutte des classes, avec appel à l’auto-organisation, à la convergence des luttes, propositions aux directions syndicales et aux réformistes pour l’unité dans les luttes (front unique), mais sans jamais se subordonner à leur ligne et à leurs rythmes.

Sans suffire à réorienter le parti, ce serait un pas en avant important pour nous engager dans la bonne voie.

Christian (CAD 78), Daniela (93, CPN), Marie (75, CPN), Marie (18, CPN), Ludivine (75, CPN), Ludovic (75, CPN), Manu (28, CPN), Vincent (68, CPN)

Position F - Les bases politiques du rassemblement

Des AG qui ont déjà eu lieu remonte une forte volonté de rassemblement, de discussions démocratiques pour définir l’essentiel de ce qui rassemble toutes celles et ceux qui sont convaincus de la nécessité d’un parti anti­capitaliste pour la transformation révolutionnaire de la société. L’évolution de la situation sociale et politique, l’accentuation de la crise, en particulier au niveau européen avec la mise en route d’une austérité de gauche, l’acceptation par Hollande du traité budgétaire au sommet européen des 28 et 29 juin avec en contrepartie un pacte de croissance illusoire, donnent toute son actualité à notre projet. L’abstention du Front de Gauche sur le vote de confiance au gouvernement à l’Assemblée revient à un soutien critique en cohérence avec son projet antilibéral réformiste. C’est une raison de plus de repousser la proposition des camarades de la GA de le rejoindre. Pour défendre nos réponses à la crise, pour intervenir dans les luttes en particulier face à la vague de licenciements dont la fermeture de PSA-Aulnay devient le symbole, pour agir sur les évolutions de celles et ceux qui ont participé à la dynamique du Front de Gauche, pour mener le débat, nous avons besoin de toute notre indépendance. En dépit de la crise de notre parti, de la scission qu’il connaît aujourd’hui, l’ambition qui a guidé notre projet garde toute sa pertinence.

Notre crise est l’expression en notre propre sein de la dégradation du rapport de forces entre les classes, de nos propres faiblesses aussi. Les surmonter exige de nous regrouper autour de nos tâches immédiates pour ensuite engager le débat sur les leçons que nous tirons des premières années du NPA et sur les moyens de relancer sa dynamique. Ce sera le rôle et la tâche du congrès.

La volonté de rassemblement qui anime les signataires de la Plateforme F et les camarades qui la soutiennent tire ses bases politiques du bilan de l’année passée.

Durant la présidentielle, non sans difficultés ni faiblesses, non sans défauts et limites, nous avons imposé la présence des anticapitalistes dans le débat. Nous avons rencontré une large sympathie. Pour trois raisons principales. La première est que nos idées répondent à un besoin, à des interrogations, qu’elles tirent leur force de la faillite de la politique des classes dominantes comme de l’incapacité de la gauche libérale à apporter une réponse à la régression sociale, démocratique, à la crise écologique. Cela ne suffit pas à leur donner une crédibilité en particulier sur le terrain électoral mais cela leur donne un large écho. Ensuite nous avons réussi à rassembler la majorité de notre parti autour de la candidature de Philippe Poutou en associant à notre campagne des camarades de toutes les plateformes y compris des camarades de la GA. Autour aussi de nos mesures d’urgence, de la nécessité d’unir les forces du monde du travail contre l’austérité tout en défendant la perspective de la construction d’une opposition de gauche contre la politique d’un futur gouvernement Hollande. Cette orientation prend aujourd’hui toute son actualité. Notre travail militant des mois passés constitue les points d’appui et les bases politiques pour nous rassembler, sans exclusive, dans la clarté sans chercher pour autant à trancher les débats du congrès tant sur l’analyse du Front de Gauche que sur les données de la situation ou les cause de la crise du NPA dont il s’agit de sortir.

Nous rassembler pour faire face à la scission et construire un parti anticapitaliste indépendant est le souhait et la volonté de la grande majorité des camarades. C’est notre responsabilité collective d’y parvenir.

Position G - Il faut choisir…

Au sortir du vote des AG locales, le NPA sera semble-t-il un attelage hétéroclite, flanqué d’une solide aile sectaire (additionnant diverses composantes), une aile unitaire réduite après les centaines de départs du NPA, dont attestent les résultats partiels des AG locales, et un regroupement qui se pose en rassembleur.La position F constitue non seulement l’expression d’une partie des composantes actives de la majorité issue de la CN de juin 2011, co-responsables du désastre politique de l’année écoulée, mais aussi le refuge d’une partie de celles et ceux qui, tout en ayant tiré un bilan négatif de l’échec du NPA, ne sont pas aujourd’hui prêtEs à rompre avec lui.

Pourtant, toutes celles et ceux qui pensent lucidement qu’il faut se doter d’une véritable politique de confrontation et d’alliance en direction du FdG en seront pour leurs frais.

En ce qui nous concerne, nous pensons que la situation politique et sociale est suffisamment grave et inédite pour justifier que les anticapitalistes se regroupent au sein d’un front large comprenant des forces réformistes de gauche, pour résister à l’austérité de gauche et offrir une alternative politique qui permette d’endiguer la poussée de l’extrême droite. Malgré les pronostics successifs de l’actuelle direction qui n’a eu de cesse de répéter que le FdG irait au gouvernement, puis qu’il voterait la confiance, il s’avère que ce n’est pas son choix. En l’état du rapport de forces, c’est en son sein qu’il faut œuvrer à la fois à la construction d’un large front d’opposition de gauche et au regroupement des anticapitalistes.

Le texte de la position G est le seul à dire qu’il faut se poser la question d’entrer dans le FG. Pour la position F, « Ce positionnement (du FG) ne répond pas aux besoins de la situation qui appelle à préparer la contre-offensive contre l’austérité. Il correspond à un projet politique réformiste antilibéral qui s’accompagne de rapports ambigus vis-à-vis du PS et d’une politique prisonnière souvent des institutions auxquelles PCF et PG participent. Pour toutes ces raisons essentielles, le NPA n’intègrera pas le FdG même si un travail est possible et nécessaire avec lui et ses militantEs. »

Le texte ne dit pas « jamais » mais il ne dit pas non plus « peut-être » ou « demain »... Il n’y a nul débat sur « les conditions pour y entrer ». Plus, celles et ceux qui pensent que c’est dans un « front avec le front » que se trouverait la solution devraient lire lucidement les textes, car ce qui est dit sur les obstacles à l’intégration dans le FG apparaît aussi valable pour ce « front politique » que les camarades semblent pourtant appeler de leurs vœux.

La vérité des prix est sans doute dans un texte de Christine, Patrick et Sandra, l’aile « ouverte » de la P1A-PF, diffusé il y a à peine deux semaines :

« Aujourd’hui en France, compte tenu des rapports de forces et des orientations, un front politique de partis avec les réformistes et les antilibéraux est de fait un ralliement politique à leurs orientations. Un tel bloc politique négocié entre partis, sans ancrage dans des mobilisations unitaires à la base sur lesquelles s’appuyer pour combattre les politiques d’adaptation à la gestion capitaliste, ne peut qu’être un bloc ayant un programme réformiste ou keynésien, ce qui n’est ni acceptable ni efficace. » Il n’y a donc ni entrée dans le FdG ni… alliance avec lui, mais un marché de dupes, assorti d’une grande difficulté à sortir d’une logique politique figée et atemporelle.

Il faut pourtant réorienter radicalement le combat des anticapitalistes, sous peine de voir leur poids politique purement et simplement annulé.www.gaucheanticapitaliste.org

Position H - Pour un effort d’implantation dans la classe ouvrière et sa jeunesse et une campagne politique effective du parti pour les mois à venir

Rassembler les militants du parti, d’accord, mais sur quoi ? Sur quelles tâches, quelle politique précise pour les mois à venir ? Rien de précis ne nous est proposé à ce sujet. Juste rassembler pour rassembler, disons sur l’anticapitalisme… des militants déjà rassemblés là-dessus, puisqu’ils restent au NPA ! La seule chose qui nous est proposée est la formule floue et ambiguë à souhait de « construire une opposition de gauche ». Et cela, en direction avant tout du Front de Gauche, qui tout en pouvant se montrer plus ou moins critique vis-à-vis du gouvernement PS, lui apporte néanmoins son soutien.

À quoi pourrait bien servir aujourd’hui ce front durable, s’il voyait le jour, et sur quel terrain ? Pas à mettre sur pied une opposition parlementaire... vu l’absence de représentation du NPA à la chambre ou au Sénat. C’est pourtant là que le FdG entend d’abord mener ce qu’il entend par bataille et s’opposer, dans la mesure où il s’opposera… ou pas.

Un front pour préparer la future mobilisation d’ensemble des travailleurs ? Mais le Front de Gauche met en avant des objectifs électoraux – la révolution par les urnes, jamais par la lutte d’ensemble ou la grève générale.L’unité entre qui et qui ?Dans la situation actuelle, l’unité avec le FdG comme avec la gauche syndicale ou politique ne peut être que ponctuelle dans l’action sur un objectif partagé. En ce moment même, par exemple, contre les plans de licenciements ou les restructurations qui se multiplient, le NPA pourrait s’atteler à convaincre les militants d’autres organisations politiques ou syndicales, et ces organisations elles-mêmes, de s’adresser à ceux des autres entreprises concernées par les mêmes problèmes.

Mais un front c’est déjà l’affirmation publique de solidarités et d’engagements durables entre les organisations qui le composent. Alors que le monde du travail va devoir affronter un gouvernement de gauche qui s’apprête à lui faire payer la crise capitaliste, le NPA ne doit ni prendre d’engagements durables ni affirmer de solidarité autre qu’au coup par coup avec des organisations qui s’affichent elles-mêmes comme solidaires en tout ou en partie de cette gauche.Mettre fin à la politique du « tout électoral »Les seules campagnes de notre parti menées à l’échelle nationale le furent à l’occasion des élections. Les débats qui ont déchiré le parti aussi.

Il nous faut inverser les priorités telles qu’elles ont eu cours jusque-là. Participer aux élections, mais d’abord pour prolonger les interventions dans les mobilisations de la classe ouvrière et des couches populaires, et défendre publiquement la politique révolutionnaire en toute occasion. Et, dans l’immédiat, faute de pouvoir intervenir sur tous les terrains, vu nos forces limitées, établir des priorités, choisir ceux vers lesquels diriger l’activité des militants et des comités, les secteurs qui peuvent jouer un rôle décisif lors des prochaines mobilisations d’ensemble auxquelles nous voulons œuvrer : les lieux de travail et la jeunesse.

Aurélien (75), Hervé (91), Maria (75), Zara (93), membres du CPN du NPA

Position I - Lancer une campagne pour l’interdiction des licenciements et tourner la page du front politique durable avec le Front de Gauche

Les premières assemblées générales électives indiquent qu’une très grande majorité des membres du NPA refusent la dissolution au sein du Front de Gauche. Nous avons depuis l’appel à Mélenchon, en juin 2009, trop souvent déterminé notre politique en fonction des faits et gestes du Front de Gauche, créant de fait des illusions et des confusions sur la nature de cette coalition dans notre milieu et jusque dans nos rangs. Nous devons définitivement tourner cette page.

Personne ne conteste qu’il faille s’adresser spécifiquement à cette coalition électorale et à ses composantes, mais sans oublier que nos désaccords ne sont pas uniquement conjoncturels. Le problème n’est pas seulement de savoir s’il participe ou non au gouvernement et s’il est prêt ou non à s’opposer au moins en parole à ce dernier. Cela est utile pour l’unité d’action. Mais pour un front politique durable, c’est autre chose. Il y a un désaccord stratégique – « la révolution par les urnes » – qui a aussi un contenu pratique : la défense, en pleine grève des retraites, d’un référendum au lieu de militer pour la généralisation de la grève. Ce désaccord nous interdit de faire croire que nous pourrions poursuivre, y compris dans la période qui vient, le même objectif politique.

Les rapports de subordination que ces directions entretiennent avec les bureaucraties syndicales nous donnent déjà un avant-goût des difficultés auxquelles nous allons être confrontés pour nous opposer aux mesures d’austérité du gouvernement Hollande/Ayrault. Ne pas avoir compris cela aboutit aujourd’hui à ce que nos camarades de la GA rejoignent le FdG en prenant comme seul prétexte la non-participation du PCF et du PG au gouvernement. Mais le vote largement majoritaire pour les plateformes E, F, H et I lors des AG électives doit permettre de sortir de la CN avec quelque chose de commun sur la remise en cause du front politique durable avec le Front de Gauche.

La CN du 7 et 8 juillet doit aussi rassembler largement autour d’une campagne de rentrée où l’on fasse d’un même objectif une priorité pour toute l’organisation. La crise du capitalisme est toujours devant nous, les affrontements de classes qu’elle va provoquer aussi. L’ensemble des PF soulignent que l’emploi et les licenciements vont devenir des questions essentielles dans les mois qui viennent. Nous devons en faire une priorité au travers de nos interventions et d’une campagne pour populariser la nécessité d’interdire les licenciements. Le succès de la manifestation devant le site d’Aulnay et les différentes initiatives prises autour de cette journée montre également le rôle particulier que pourrait jouer ce secteur. Il se trouve par ailleurs, qu’il s’agit d’un secteur où les anticapitalistes et révolutionnaires ont une implantation qui pourrait permettre d’influencer plus largement que nos milieux immédiats.

Les AG locales ont permis de dégager ces deux axes unifiants, il s’agit maintenant de les exprimer dans une déclaration commune au sortir de la CN. Déclaration qui pourrait être largement reprise par les différentes plateformes qui refusent de se dissoudre dans le Front de Gauche. C’est tout du moins la proposition que nous soumettrons à la discussion.

Antoine Larrache, Armelle Pertus, Gaël Quirante, Jean-Baptiste Pelé, Jean-François Cabral, Marie-Hélène Duverger, Mathilde Stein