La nouvelle montée du mouvement des femmes qui se développe depuis quelques années a été propulsé en grande partie par la question des violences. Depuis le premier manifeste de Ni Una Menos en Argentine en 2015, la dénonciation des violences à l’encontre des femmes se décline dans ses aspects économiques, sociaux, d’État, conjugaux, de genre. En 2016, les femmes polonaises se sont mobilisées sur la question de l’avortement, et les première grèves féministes des femmes ont eu lieu.
Une vague internationale
Les manifestations à l’occasion de l’investiture de Trump en janvier 2017 – pas seulement aux États-Unis mais internationalement –, et le déclic du mouvement #Metoo en septembre de la même année ont marqué un autre moment d’extension de ce mouvement au niveau international.
On a vu la présence déterminée et marquée des femmes dans les mouvements de protestation démocratique d’ensemble en Algérie, au Soudan, au Brésil ou au Chili, la lutte des femmes au Rojava – sans parler des Gilets jaunes ou le mouvement contre la « réforme » des retraites en France – et les mouvements qui se sont développés portant l’idée de la grève des femmes en Amérique latine, en Espagne, en Italie, en Suisse, en Belgique, et en France.
Comme toute vague, celle-ci est inégale, n’ayant pas encore marqué durablement dans certaines régions, connaissant des reflux dans d’autres. Il y a eu des moments très forts comme les mobilisations massives au Brésil ou au Chili, les millions de femmes en grève en Espagne en 2018, alors que d’autres pays commençant plus tard ont construit leur première grève seulement en 2019, comme la Belgique ou la Suisse. La tâche pour tout le monde aujourd’hui est de construire un mouvement organisé, inclusif, international, qui va se maintenir dans la durée et faire en sorte que les femmes deviennent un acteur politique à tous les niveaux.
« Celles qui luttent »
Encore une fois l’initiative dans ce sens vient de l’Amérique latine. Entre les 9 et 11 janvier la coordination 8 mars au Chili a appelé à une rencontre plurinationale de « Celles qui luttent ». L’appel issu de cette rencontre souligne : « Les collectifs soussignés se sont réunis pour ajouter leurs voix aux multiples appels à l’action et à la révolte lancés les 8 et 9 mars par la classe ouvrière, les femmes indigènes, noires et paysannes, ainsi que par les étudiants, les lesbiennes, les trans et les travestis. Nous appelons à la construction de stratégies communes pour continuer à alimenter la rébellion féministe qui se répand dans le monde entier contre la domination, l’exploitation, l’occupation et la dépossession. »
Il souligne la menace de l’extrême droite « qui alimente la haine contre les communautés racialisées, les femmes, les lesbiennes et les transgenres », que les femmes combattent dans une lutte d’ensemble qui reconnaît les différences et la diversité des expériences. Il continue en appelant à « la montée d’un vaste processus de mobilisation qui bouleverserait tous les aspects de la vie », citant le droit des femmes de contrôler leurs corps et leurs terres, contre les violences, dénonçant la violence sexuelle comme violence politique, et le droit de se rebeller contre la militarisation et la violation systématique des droits humains et des libertés des femmes « comme le font les femmes du Moyen-Orient et du Kurdistan, suite à la résistance historique du Rojava. » L’appel pointe des problématiques urgentes pour les femmes, allant de « la crise mondiale de la garde d’enfants » à l’augmentation de l’endettement ou l’emprisonnement qui sont « des formes directes de dépossession, de précarisation et de négation de la vie. » Enfin, le texte appelle « à nous révolter et à affirmer notre pouvoir de dire Non, de dire Assez, et de montrer la voie à suivre, synchronisées dans la même danse, comme nous l’avons fait – une danse qui est une condamnation qui tisse ensemble nos multiples histoires et cicatrices, en montrant les vrais responsables de la gestion de la misère. »
Cet appel, signé par plusieurs collectifs d’Argentine, de Bolivie, du Chili, d’Équateur, du Mexique, d’Uruguay, ainsi que par des collectifs du Kurdistan, de Bulgarie, de France et d’Italie et l’International Women’s Strike des États-Unis, montre l’importance donné au fait de construire un mouvement inclusif de toutes les femmes dans toute leur diversité, et la volonté de prendre toute leur place, y compris l’espace qui a été historiquement nié aux femmes, dans la lutte pour renverser les système capitaliste et patriarcal.