En Allemagne, aux législatives du 24 septembre 2017, un parti d’extrême droite a réussi pour la première fois depuis les années 1950 à entrer au Bundestag (Parlement fédéral).
Jusqu’ici, des partis situés plus à droite que les conservateurs de la CDU/CSU avaient plusieurs fois réussi à percer dans des scrutins régionaux : le NPD (« Parti national-démocrate ») entre 1966 et 68, puis les REPs (« Les Républicains ») entre 1989 et 1992 ; entre 2004 et 2006, le NPD a connu quelques nouveaux succès régionaux en ex-Allemagne de l’Est. Mais aux élections au niveau fédéral – qui se déroulent au scrutin proportionnel à un tour, avec une barre de 5 % des voix requises pour avoir des sièges –, le verrou n’avait jamais sauté. L’effort conjugué des grandes forces politiques établies, de la presse, du patronat et des syndicats, le rappel du passé hitlérien servant comme épouvantail efficace avait toujours empêché l’extrême droite de percer dans ces élections perçues comme « décisives » (bien plus que les scrutins régionaux ou encore les européennes).
Une extrême droite qui se radicalise
Or, en 2017, suite à une série de succès régionaux, le parti AfD (« Alternative pour l’Allemagne »), fondé en 2013 comme un parti opposé aux mécanismes financiers de l’Union européenne et aux « aides » à la Grèce, puis transformé à partir de 2015 en parti essentiellement anti-immigration, a pu faire exploser le verrou. Obtenant 12,6 % des voix (auxquelles s’ajoutent à l’extrême droite 0,4 % pour le NPD désormais marginalisé), il a obtenu plus de 90 mandats au Bundestag. En même temps, il s’est progressivement radicalisé. En 2015, il s’est séparé de la première équipe dirigeante sous l’ex-président Bernd Lucke, plutôt nationale-libérale et issue de la grande bourgeoisie, qui s’était opposée à un positionnement trop explicitement raciste ou à l’extrême droite. Puis, après avoir été dirigé entre 2015 et 2017 par Frauke Petry (alliée de Marine Le Pen au niveau européen), le parti a poussé cette dernière à la sortie, puisqu’elle cherchait à exclure quelques cadres « trop extrémistes ». Au premier rang desquels se trouve Björn Höcke, chef de file du parti dans la région de Thuringe, dont les discours furent qualifiés – même par la direction sortante du parti – de proches des thèses nationales-socialistes. Aujourd’hui, la procédure d’exclusion à l’encontre de Höcke, qui n’a jamais abouti, a été officiellement abandonnée…
Le parti, ou des éléments proches de lui (ainsi que des milieux encore plus à droite, jugés officiellement infréquentables par l’AfD) ont aussi présenté, pour la première fois massivement, des listes aux élections professionnelles qui se sont déroulées ou se déroulent encore, dans environ 40 000 établissements, de début mars jusqu’à fin mai. Certes, les listes d’extrême droite n’ont été présentes que dans une poignée d’entreprises emblématiques, surtout du secteur automobile. Mais elles ont, là où elles étaient présentes et médiatisées, réalisé des scores autour de 10 %, réussissant parfois à apparaître moins racistes en présentant même par endroits des travailleurs d’origine turque… mais appartenant aux « Loups Gris » (fascistes turcs). Leur succès est plus important au niveau médiatique, attirant ainsi l’attention du public, que leur ancrage réel sur le terrain. Mais il s’agissait là d’une première… inquiétante.