Publié le Samedi 22 mai 2021 à 13h00.

Comment les Palestinien·nE·s de Jérusalem-Est sont devenus des étranger·E·s sur leur propre terre

Après la guerre de 1967, Israël a illégalement annexé Jérusalem-Est à son territoire. Depuis lors, et malgré le fait qu’il se soit installé sur leur terre natale, l’État d’Israël traite les résidents palestiniens de la ville comme des immigrants indésirables et s’efforce systématiquement de les chasser de la région.

En juin 1967, immédiatement après avoir occupé la Cisjordanie et la bande de Gaza, Israël a annexé quelque 70 000 dounams [70 km2] de terres de Cisjordanie aux limites municipales de Jérusalem, et y a appliqué la loi israélienne, en violation du droit international. Le territoire annexé dépassait largement la taille de Jérusalem sous le régime jordanien (environ 6 000 dounams [6 km2]), englobant environ 64 000 dounams [64 km2] supplémentaires. Ces terres supplémentaires appartenaient, en grande partie, à 28 villages palestiniens, et certaines d’entre elles se trouvaient dans les juridictions municipales de Bethléem et de Beit Jala. La zone annexée abrite actuellement au moins 350 000 Palestiniens et quelque 209 000 colons israéliens1.

« Résidents permanents »… sur leurs propres terres

Les nouvelles frontières municipales de Jérusalem ont été tracées en grande partie en fonction de préoccupations démographiques, dont la principale était d’exclure les zones palestiniennes densément peuplées afin d’assurer une majorité juive à Jérusalem. Conformément à cette logique, Israël a inclus certaines terres appartenant à des villages proches de Jérusalem dans la juridiction municipale de la ville, tout en laissant les propriétaires en dehors. C’est ce qui s’est passé, par exemple, avec Beit Iksa et al-Birah au nord, et avec les zones peu peuplées des juridictions municipales de Bethléem et de Beit Sahour au sud. Ce faisant, Israël a divisé les villages et les quartiers palestiniens, n’en annexant que certaines parties.

En juin 1967, Israël a organisé un recensement dans la zone annexée. Les Palestiniens qui étaient absents à ce moment-là ont perdu leur droit de retourner chez eux. Ceux qui étaient présents se sont vu attribuer le statut de « résident permanent » en Israël – un statut légal accordé aux ressortissants étrangers souhaitant résider en Israël. Pourtant, contrairement aux immigrants qui choisissent librement de vivre en Israël et peuvent retourner dans leur pays d’origine, les résidents palestiniens de Jérusalem-Est n’ont pas d’autre domicile, pas de statut légal dans un autre pays et n’ont pas choisi de vivre en Israël : c’est l’État d’Israël qui a occupé et annexé la terre sur laquelle ils vivent.

La résidence permanente confère moins de droits que la citoyenneté. Elle permet à son titulaire de vivre et de travailler en Israël et de bénéficier des prestations sociales prévues par la loi, comme l’assurance maladie. Cependant, les résidents permanents ne peuvent pas participer aux élections nationales – que ce soit comme électeurs ou comme candidats – et ne peuvent pas se présenter au poste de maire, bien qu’ils aient le droit de voter aux élections locales et de se présenter au conseil municipal.

Impossible « regroupement familial »

Les résidents permanents sont tenus de présenter des demandes de « regroupement familial » pour les conjoints qui ne sont pas eux-mêmes résidents. Depuis 1967, Israël applique une politique stricte aux demandes de « regroupement » des Palestiniens de Jérusalem-Est avec des conjoints originaires d’autres parties de la Cisjordanie, de Gaza ou d’autres pays. En juillet 2003, la Knesset a adopté une loi interdisant à ces conjoints de recevoir la résidence permanente, sauf rares exceptions. Cette loi prive effectivement les Palestiniens de Jérusalem-Est, qui sont des résidents permanents d’Israël, de la possibilité de vivre à Jérusalem-Est avec des conjoints de Gaza ou d’autres parties de la Cisjordanie, et refuse à leurs enfants le statut de résident permanent.

La politique israélienne à Jérusalem-Est vise à faire pression sur les Palestiniens pour qu’ils partent, façonnant ainsi une réalité géographique et démographique qui contrecarrerait toute tentative future de contester la souveraineté israélienne dans cette ville. Les Palestiniens qui quittent Jérusalem-Est, en raison de cette politique ou pour d’autres raisons, risquent de perdre leur statut de résident permanent et les avantages sociaux qui en découlent. Depuis 1967, Israël a révoqué la résidence permanente de quelque 14 500 Palestiniens de Jérusalem-Est dans de telles circonstances.

  • 1. Chiffres de 2019.