Publié le Lundi 8 février 2016 à 12h11.

Deux présidents nationalistes à la direction de l’Assemblée de Corse

C’est fait : Gilles Simeoni, leader de la formation Femu a Corsica (Faisons la Corse) et Jean-Guy Talamoni, chef de file du mouvement Corsica Libera (La Corse libre) sont respectivement élus, le premier en tant que président de l’exécutif de l’Assemblée de Corse, le second en tant que président de celle-ci.

La particularité de cette institution, en comparaison des autres assemblées régionales, est qu’elle a le statut de collectivité territoriale. En conséquence elle dispose d’un mini-gouvernement et d’une forme de parlement qui n’a toutefois pas de pouvoir législatif.

En Corse, cette victoire a bien évidemment fait sensation, bien que le déroulement de la campagne électorale ait pu laisser entrevoir ce succès, notamment par la forte mobilisation d’une partie de la jeunesse. En France, à l’exclusion notable des écologistes et du NPA, c’est un déchaînement de propos xénophobes qui a suivi le discours, tenu en langue corse, par Jean-Guy Talamoni lors de sa prise de fonction. Du FN en passant par la droite jusqu’à Mélenchon, le ton est quasiment le même : celui d’un colonialisme « franchouillard » qui ne peut admettre, ne serait-ce que l’amorce d’une autonomie interne. Parce que dans les faits, c’est bien de cela dont il est question.

Si Corsica Libera a toujours fait de l’indépendance son horizon politique, Femu a Corsica campe sur des positions résolument autonomistes. Majoritaire au sein de cette coalition électorale, c’est son programme qui pour l’heure est appliqué.

« Modérés » contre « radicaux » ?

Les votes qui se sont exprimés en faveur de cette partie du mouvement national vont largement au-delà de ses zones d’influence habituelles. Pour vérifier cela, il suffit de regarder la composition de l’actuel conseil municipal de la ville de Bastia. En effet, lors des dernières municipales, ce bastion du clanisme est tombé. Gilles Simeoni et ses colistiers de Femu a Corsica ont passé une alliance avec une fraction de la droite locale, le Parti socialiste et un dissident du clan Zuccarelli1. Qualifiée de « modérés », cette frange du nationalisme campe sur une position qui consiste à attirer à elle les secteurs dits « corsistes »2, en refusant pour ce faire de considérer les clivages gauche-droite comme des différenciations politiques.

Le fait que la petite bourgeoisie (avocats, chefs de PME, notaires, commerçants, cadres supérieurs de la fonction publique) soit sur-représentée au niveau des deux tendances encore majoritaires du nationalisme contemporain, donne un début d’éclairage sur la véritable nature de ces derniers, qui pour l’heure n’ont pas encore formellement dévoilé leurs réels projets de société. C’est pourquoi il faut aller au-delà des termes « modérés »3 et « radicaux » pour appréhender la réalité des enjeux.

  • 1. Nom d’une famille bastiaise qui, sous les couleurs du radical-socialisme, a occupé pendant trois générations la mairie de Bastia, des fonctions à la députation, le tout en collaboration étroite avec la fédération du PCF de la Haute-Corse.
  • 2. Ce terme désigne les partis non nationalistes qui adoptent une démarche régionaliste.
  • 3. Terminologie employée par les médias jusqu’à une époque récente. Elle voulait distinguer les mouvements en solidarité avec la lutte dite armée, de ceux uniquement fondés sur une démarche publique. Cette classification n’est pas opérante en ce qui concerne les programmes économiques et sociaux des organisations concernées, lesquels sont de même nature.