Le NPA a accepté, après la présidentielle, de s’inscrire dans un processus de discussions avec l’Union populaire. Il s’agissait pour nous d’aider à la victoire d’une gauche recomposée, qui n’est pas perçue comme participant loyalement à la gestion du capitalisme, accompagner cette dynamique, nous lier à un milieu très large qui veut peser sur la situation, changer le rapport de forces et imposer des revendications sociales, pour prolonger cette dynamique dans la construction des luttes1.
Hélas l’accord n’a pas pu se faire car la direction de l’UP a privilégié un accord avec le PS. Cela découle de la volonté, indiquée dès le début par la direction de l’UP de « construire une dynamique majoritaire ». Nous avions interprété naïvement – mais en politique la naïveté est une qualité, une forme d’optimisme de la volonté si elle ne se transforme pas en opportunisme – cette formule comme une volonté de conquérir la majorité à l’Assemblée, ce avec quoi nous étions d’accord, alors qu’on nous demandait en réalité d’être prêts à tout compromis avec ceux qui accepteraient Mélenchon comme Premier ministre. Cela a conduit à la recherche de compromis de plus en plus à droite, d’abord avec EÉLV, puis avec le PS, tant sur le rapport de forces que sur les questions programmatiques.
L’acceptation du cadre du système
Le programme de l’UP a été bâti sur la base des discussions au sein de groupes de travail, élaborés par des intellectuelLEs réformistes radicaux, syndicalistes, chercheurEs, militantEs, à partir de ce qu’ils et elles analysent être les besoins sociaux. Il existe une distance entre ces derniers et ces militantEs, l’aristocratie ouvrière moderne, sincèrement préoccupés par les besoins sociaux des classes populaires mais bénéficiant néanmoins de conditions de vie plus favorables et étant plus intégrés au capitalisme par leur place dans la société.
Ce rapport au système est concrétisé par le slogan « Mélenchon Premier ministre ». Ce mot d’ordre vise à conserver la dynamique électorale de la présidentielle. Mais cela opère une continuité entre la fonction présidentielle, hautement antidémocratique, et la recherche d’une majorité parlementaire, effaçant au passage les critiques subversives de la 5e République inscrite dans le programme de Mélenchon autour de la 6e République. Exit la suppression de la fonction présidentielle, la proportionnelle intégrale, etc.
Lors des discussions programmatiques avec l’Union populaire, le NPA a proposé une augmentation uniforme des salaires. Cette proposition a été refusée avec le même motif que cela ne fait pas partie des prérogatives du Premier ministre, du gouvernement et de l’Assemblée, mais qu’il faudrait organiser une conférence sociale entre les syndicats et le Medef pour en parler…
Au fond, la transformation de l’UP en Nupes, sous pression des enjeux des législatives et de la volonté d’être crédibles dans ces élections, correspond sur le plan programmatique à un niveau supérieur d’acceptation du cadre institutionnel de la 5e République.
Le rapport de la Nupes aux luttes sociales
L’Union populaire a réussi à fédérer une grande partie des militantEs des dernières luttes significatives : des figures des grèves de TUI, de l’Ibis Batignolles, de la RATP par exemple, qui avaient pourtant créé dans l’action des liens avec l’extrême gauche. La plupart des intellectuelLEs de la gauche radicale ont également rejoint les rangs de l’UP, contribuant d’ailleurs à sa solidité programmatique.
Mais, en pratique, ce sont naturellement les couches supérieures qui dominent le Parlement de l’UP : enseignantEs, éluEs, permanentEs politiques ou syndicaux, car la place des travailleurEs du bas de l’échelle est mécaniquement réduite par la faiblesse des luttes sociales, et qu’ils et elles doivent faire face à l’impossibilité de libérer du temps pour s’investir dans les discussions stratégiques.
Cette tendance est renforcée par la méthode de constitution des candidatures pour les élections législatives : l’appareil naissant doit donner une place aux figures militantes qui se sont investies, qui animent les structures et aspirent à avoir une place dans l’animation politique que permet une place à l’Assemblée nationale. Ainsi, la Nupes n’échappe pas à la tendance habituelle dans les organisations de gauche à parachuter des figures dans des circonscriptions populaires, facilement gagnables, indépendamment d’équipes militantes qui pourraient exister. La caricature est encore plus forte quand les candidatures sont issues du Parti socialiste, voire des recyclages du macronisme.
Au point que des ruptures s’opèrent : Jérôme Lambert, opposé au mariage pour touTEs, a dû être écarté en Charente, tandis que plusieurs candidatures, dont celle de Hubert Julien-Laferrière dans le Rhône, permettent des candidatures alternatives soutenues par des secteurs du PCF et de La France insoumise. Mais le mal est fait vis-à-vis d’un collectif comme « On s’en mêle », qui constate que la place des candidatures et équipes militantes issues des quartiers populaires a été fortement réduite.
Les rapports aux militantEs issus des luttes sont donc contradictoires : d’un côté la Nupes se nourrit des luttes, leur donne la parole et est une occasion de donner confiance aux classes populaires pour en créer, de l’autre elle absorbe certainEs, en écarte d’autres, ce qui renvoie à la fonction intégrative de la démocratie bourgeoise, capable de faire entrer la contestation dans les institutions pour la sortir de la rue. Les jeux ne sont pas encore faits de ce point de vue, car il existe des contre-tendances, avec par exemple Danièle Simonnet qui explique en AG de circonscription qu’il faudra des luttes, que la Nupes gagne ou non, car « le système résistera », ou les paroles de Rachel Kéké, qui veut faire entrer la parole de celles et ceux d’en bas dans l’Assemblée.
Le NPA et les candidatures Nupes
Au vu de ces dynamiques contradictoire et de la situation générale, le NPA a décidé de soutenir les candidatures de la Nupes là où elles sont en rupture avec le libéralisme, et de tenter de construire des candidatures alternatives là où elles ne le sont pas. La participation à des campagnes Nupes se combine avec quelques points sur lesquels nous pouvons marquer notre différence sans tirer en arrière la dynamique. Nous refusons toute dérive sur les fonctions régaliennes, qui concrétisent de façon crue le rapport à l’appareil d’État, en étant particulièrement attentifs à ce qui s’exprime sur la police, l’armée, les frontières et l’impérialisme. En particulier, nous défendons la régularisation des sans-papiers, le droit de vote des immigréEs. Nous défendons également une campagne démocratique, dont le contenu ne doit pas être décidé par les candidatEs et leur directeur ou directrice de campagne, mais par des cadres collectifs associant le plus grand nombre. Enfin, nous insistons sur la nécessité de construire les luttes sociales et pour que les collectifs militants construits dans la campagne soient capables de se convertir en outils de lutte après la campagne, particulièrement pour la défense des retraites et les salaires. Le NPA défend cette politique dans plusieurs dizaines de circonscriptions, nous pourrons en tirer les bilans rapidement. Le NPA présente en outre des listes alternatives dans une grosse dizaine de circonscriptions, en particulier contre des candidatures Nupes issues du Parti socialiste, d’EÉLV… voire de LREM. Les équipes sont comprises, souvent soutenues plus ou moins discrètement par des militantEs LFI ou PCF. Nous y reviendrons.
- 1. Extrait de Antoine Larrache, « L’avènement d’une nouvelle gauche », revue mensuelle l’Anticapitaliste n°1 35, mai 2022.