« Avec le statut d’auto-entrepreneur, il s’agit en fait d’un contrat entre deux boîtes. Une boîte complètement fictive, qui porte notre nom, que l’on peut créer en 10 minutes sur internet, qui permet à Deliveroo ou Uber Eats de ne pas nous engager mais de faire des contrats de prestation entre deux entreprises. Donc le code du travail, qui régit le rapport salarial, n’existe pas pour nous car il s’agit de contrats entre deux entreprises. Et nous on dénonce cela en expliquant qu’il s’agit de salariat déguisé : à partir du moment où on tire tous nos revenus de la même boîte et qu’on n’a aucune modalité de négociation, par exemple on n’a pas notre mot à dire sur le tarif des courses, nous sommes en réalité juridiquement indépendants mais économiquement dépendants.
En fait, toutes ces boîtes fonctionnent sur le principe d’avoir une énorme flotte de livraison, pour être certaines d’avoir toujours des livreurs prêts à accepter toutes les commandes. Pour attirer du monde, ils proposent donc au départ des bons tarifs, des primes le week-end, quand il pleut, etc., et une fois qu’ils ont une flotte suffisante, ils peuvent se permettre de baisser les rémunérations au fur et à mesure, jusqu’à ce qu’ils n’aient plus que des livreurs qui sont prêts à travailler pour 5 ou 10 fois moins que ce qui était proposé au début… »
Steven, livreur chez Deliveroo et membre du Collectif des livreurs autonomes de Paris (CLAP), propos recueillis par Julien Salingue.