Nous serons à Calais le 7 juillet, au côté des sans-papiers et des migrantEs et avec la marche solidaire pour exiger l’ouverture de la frontière.
Le lundi 2 juillet, on découvrait à la télévision le projet de créer des lignes TGV low cost pour aller de Paris à Londres. Les voies du tunnel ne seraient actuellement utilisées qu’à 58 % de leur capacité. Le commentaire explique que l’objectif est d’augmenter de 4 millions le nombre de voyageurEs chaque année. Dans ce reportage, pas une image de Calais, de l’accès au tunnel ou de l’accès au port. De la militarisation de Calais, de la guerre qui s’y mène. Pour empêcher le voyage. Pas une image non plus des mortEs de Calais. MortEs parce qu’ils et elles voulaient utiliser le tunnel. C’est que Calais n’est pas le symbole du passage vers Londres. La ville est devenue un des symboles hideux de la politique menée contre les migrantEs et au prétexte des migrantEs, le miroir tendu, à qui veut bien regarder, de la société qui se construit.
Chemises brunes
À Bruxelles, le 29 juin, c’est un autre miroir qui nous a été tendu. S’y sont retrouvés les dirigeants des pays européens, une préfiguration des prochaines campagnes pour les élections européennes : Autriche, Hongrie, Italie, les costumes cintrés ont déjà la teinte des chemises brunes. En Allemagne un accord est en train d’être trouvé entre Merkel et son ministre de l’Intérieur qui voudrait des camps pour renvoyer touTEs les migrantEs. Quant à Macron, son objectif est simple : éviter que les migrantEs arrivent en France.
Et parce que la différence entre les racistes affichés et le gouvernement français n’est pas dans la logique politique, l’enjeu devient uniquement rhétorique. Mais même les mots se vengent. La ministre des Affaires européennes, Nathalie Loiseau, a ainsi tenu à expliquer, au sujet des centres défendus par Macron, « [qu’]il ne s’agira pas de centres fermés mais de centres d’où les migrants ne pourront pas sortir »…
Des frontières partout
Depuis janvier, 1 100 migrantEs sont mortEs noyéEs en Méditerranée. Mais, à mesure, c’est aussi en amont que le drame empire, dans le désert ou en Libye. Avec les frontières ce n’est pas une « solution » qu’on externalise mais la tragédie. Loin de nos yeux.
Et cette externalisation des frontières n’est pas une alternative à leur internalisation. Il n’y a pas deux logiques différentes, d’ordre géographique. C’est aussi ici, à Vintimille, dans les Alpes et à Calais que les frontières se renforcent et tuent. Sans parler des mortEs de Paris et de nos quartiers liés aux contrôles au faciès et au -renforcement des moyens policiers.
On le sait, même au moment du « pic » de 2015, les chiffres des flux migratoires n’ont jamais été un problème. Le problème a toujours été les politiques cherchant à les stopper. Mais ces chiffres eux-mêmes sont devenus dérisoires. Depuis janvier moins de 45 000 migrantEs sont arrivés en Europe via la Méditerranée !
Un crime = des criminels
À un « problème » mal posé il n’y a pas de solution. Certes les flux ont été ralentis (pour de multiples raisons), avec des situations encore plus tragiques et explosives au Sud. Mais en Méditerranée, la tragédie continue. Ce qui a changé ? Entre 2014 et 2017, plus de 16 000 hommes, femmes, enfants ont péri. Soit, en moyenne, environ 1 personne sur 1 000 tentant la traversée. En 2018 c’est plus d’une personne sur 50 ! Ce n’est pas la mort qui est un accident. C’est la survie qui devient un exploit.
À toutes celles et tous ceux qui pensaient encore, malgré tout, que cela relevait de la fatalité, cette évolution devrait ouvrir les yeux. Il n’y a qu’une cause à ces morts : les décisions politiques et les dispositifs qui en découlent.
Le drame n’a rien d’accidentel. C’est donc un crime. Et là où il y a crime, il y a criminel. Et ce n’est pas seulement Salvini, qui a interdit les côtes italiennes. Ce sont aussi Macron et Collomb qui ont interdit les côtes françaises. C’est Collomb qui défend sa loi asile-immigration, et les députés qui la votent, c’est Collomb qui expulse à Paris 8, qui enferme des enfants, qui harcèle à la porte de la Chapelle. C’est Macron qui veut des centres fermés le plus loin possible de la France.
Personne n’est illégal !
Là où il y criminel il y a possibilité d’arrêter le crime. Au moins en le désarmant. L’arme du crime, ce sont les frontières. Ouvrez les frontières, donnez des visas, affrétez des bateaux, laissez monter librement dans les avions et, du jour au lendemain, l’hécatombe s’arrêtera.
C’est plus compliqué que cela ? S’il s’agit des intérêts de l’ordre existant et des puissants, bien sûr. Après tout, s’il n’y a pas de problème réel avec les flux migratoires, la rationalité des politiques contre les migrantEs doit avoir d’autres bases. Et les conflits croissants entre États, le développement d’États policiers et sécuritaires aux quatre coins du monde, les tensions militaires, la montée des nationalismes ne sont pas sans lien avec les politiques anti-migratoires.
C’est plus compliqué que cela ? S’il s’agit d’arrêter les mortEs, non. C’est même très simple, très efficace et les autres « solutions » ne sont que des moyens de laisser le crime se perpétuer. De laisser la rationalité des puissants nous broyer tous et toutes.
Nous serons à Calais le 7 juillet, au côté des sans-papiers et des migrantEs et avec la marche solidaire, pour exiger l’ouverture de la frontière. Nous marcherons, dans tout le pays, le 14 juillet, pour la fermeture des centres de rétention. Nous serons au côté de la famille d’Adama le 21 juillet contre les crimes racistes et policiers.
Pour ouvrir les frontières. Pour sauver des vies. Pour sauver notre humanité et notre avenir.
Denis Godard