Au moment où les autorités françaises prônent l’enfouissement des déchets nucléaires, l’exemple de l’Allemagne mérite d’être mis à jour.Les révélations sur la gestion irresponsable des déchets nucléaires se sont succédé ces derniers mois. Il existe pourtant un cas d’école dont on a peu parlé en France. Au moment où les autorités françaises prétendent résoudre le problème des déchets ultimes en les enfouissant, il faut faire connaître l’expérience allemande qui a commencé en 1967 à stocker des déchets nucléaires sous terre. À 25 km au sud de Brunswick, se trouve l’ancienne mine de sel gemme d’Asse. Jusqu’à 800 mètres sous terre les mineurs ont creusé de véritables cathédrales dans le sel, des corridors d’un volume total de 3,35 millions de m3. Treize de ces chambres, situées entre 500 et 800 mètres sous terre, d’un volume de 47 000 m3, ont été remplies de déchets nucléaires. Si la mine s’effondrait, les déchets seraient écrasés et repoussés dans tous les couloirs de la mine, dans le sel et au final, dans la nappe phréatique. Et c’est exactement le scénario qui se dessine, car depuis 1988 l’eau pénètre dans la mine, environ 12 m3 par jour. La mine risque de s’effondrer autour de 2020. Lorsque le consortium « Wintershall » a voulu se débarrasser de cette ancienne mine de potasse et de sel, le GSF, centre de recherche sur l’environnement et la santé, a acquis en 1965 l’ancienne mine d’AsseII. Il y a entrepris entre 1967 et 1978, pour le compte du gouvernement fédéral, des recherches sur le stockage définitif des déchets radioactifs, en vertu du code minier (et non pas nucléaire) allemand, peu contraignant en termes de consultation publique. Bien que les mines avoisinantes Asse I et III aient déjà été envahies par les eaux, le secrétaire du ministère de l’Économie (SPD) proclamait en 1972 qu’il était sûr et certain que la pénétration d’eau était impossible. Au début des essais, les fûts de déchets de faible radioactivité étaient mis en piles verticales dans les anciennes cavités d’extraction de la mine. Ensuite, ils étaient tout simplement jetés et recouverts de sel. Ce qu’on appelait « mettre en saumure ». Personne ne s’indignait si les fûts étaient endommagés lors d’un tel traitement. Entre 1967 et 1978, on y a stocké 124 494 fûts avec une radioactivité « faible » et 1 293 avec une radioactivité « moyenne ». Environ 28 kilos de plutonium y sont aussi enfouis, avec de l’arsenic, du mercure ainsi que des pesticides. Nul ne sait ce qui se passe lorsque ces produits entrent en contact. Nul ne connaît les effets de la corrosion sur les fûts endommagés. Ni les quantités, ni les emplacements exacts.Le travail assidu des associations qui s’élevaient contre le stockage définitif, et demandaient une gestion du site sous le régime plus contraignant « de la législation nucléaire » allemande vient d’aboutir. Le gouvernement allemand a décidé de rouvrir la mine et d’acheminer les fûts à ciel ouvert vers un nouveau site, qui reste à choisir. L’opération de récupération des déchets est extrêmement dangereuse et devrait être effectuée par des robots. Il s’agit d’une première mondiale, dont personne ne peut prédire la réussite. Devant le coût exorbitant et les difficultés considérables, il n’est même pas certain que l’opération « récupération des déchets » débute jamais. Le cauchemar de la mine Asse II ne fait que commencer.Jean-Louis Marchetti
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Franck Houlgatte