En plus d’être un impôt qui ne répond en rien à l’urgence écologique, l’autre scandale de l’écotaxe, c’est sa collecte. Une collecte privatisée par le gouvernement précédent dans le cadre d’un partenariat public-privé (PPP) avec la société Ecomouv, un contrat tournant au fil des jours au véritable scandale d’État.
Le doute s’installe de jours en jours, la justice rouvre même une enquête préliminaire sur les conditions d’attribution du contrat passé entre l’État et Ecomouv, la société chargée au nom de l’État de collecter l’écotaxe. Rappelons tout d’abord que cette taxe vise à faire payer les transports par camions, notamment transnationaux, avec le double objectif de favoriser les transferts des marchandises vers le ferroviaire et de faire participer les transporteurs au financement du réseau routier. Seulement, on apprend que les clauses du contrat sont « extrêmement désavantageuses pour l’État » qui doit rétrocéder 20 % des sommes récoltées à Ecomouv et en cas de dédit de l’État, le gouvernement devra un peu plus de 800 000 millions d’euros à cette même société. Par ailleurs, au vu des termes du contrat, de nombreux commentateurs s’interrogent « sur les possibles faits de corruption et les nombreuses irrégularités qui auraient eu lieu durant l’appel d’offres »...
Le bal des faux culs À écouter les uns et les autres, tous semblent découvrir les conditions de ce partenariat public-privé consenti au consortium Ecomouv détenu à 70 % par l’Italien Autostrade et l’envers du décor de l’écotaxe. À droite comme à gauche, les responsables s’étonnent de ce contrat au coût de collecte exorbitant et demandent des comptes.Au vu des propos des ténors de la droite, on peut penser qu’une épidémie de perte de mémoire frappe certains d’entre eux, et en premier lieu ceux et celles qui ont été à la manœuvre qui semblent avoir oublié que ce contrat a été signé par le gouvernement sous Sarkozy et Fillon. C’est sans doute Nathalie Kosciusko-Morizet qui a la mémoire qui flanche le plus, puisque selon elle, « elle n’avait pas initié ce contrat, lancé avant elle et signé après elle ». Or, le classement des appels d’offres, puis le contrat de partenariat avec Ecomouv, ont été signés par elle ou par délégation avec son accord écrit, lorsqu’elle était au ministère de l’écologie. Et c’est bel et bien la droite qui a choisi les modalités de la mise en œuvre de l’écotaxe, et accepté les termes de la société Ecomouv. Un contrat signé le 20 octobre 2011 après accord écrit de Nathalie Kosciusko-Morizet, alors ministre de l’Environnement, Valérie Pécresse, ministre du Budget, et François Baroin, ministre de l’Économie et des Finances.Du côté du PS et des Verts, là aussi, la surprise est feinte, comme s’ils n’avaient jamais eu vent de ce qui se tramait, alors qu’ils ont aussi voté l’ensemble du système, tout comme les députés de droite !
Privatisation de l’impôtDans cette affaire, tout semble avoir été fait au détriment de l’État. Sous prétexte d’écologie, le gouvernement Sarkozy-Fillon, mais aussi l’ensemble des députés de droite comme de gauche, sont revenus sur un principe qui semblait inamovible, celui de la perception de l’impôt par l’État, en le confiant au privé. Cette perception de l’impôt par Ecomouv a un coût : 240 millions d’euros par an sur les recettes prélevées, soit un coût de perception de 20 % contre 1 % pour l’impôt perçu par l’administration. Mais soyons rassurés, l’État reste sollicité pour arrêter et poursuivre les resquilleurs de l’écotaxe... dans l’intérêt du privé !L’affaire montre toutes les dérives possibles de ce type de partenariat entre le public et le privé. Il est évident que la défense de l’environnement n’est qu’un prétexte pour accentuer les politiques néolibérales, dans tous les domaines. Théoriquement, le produit de la taxe (du moins, la partie non cannibalisée par Ecomouv !) aurait dû servir à financer des projets de ferroutage et de transport multimodal. Rien n’a été entrepris dans ce sens depuis le vote de l’écotaxe en juin 2009, et au contraire même, le transport de fret par la SNCF régresse. L’affaire montre également que c’est bien une illusion de croire que la fiscalité puisse être le levier central pour une transition écologique.
Sandra Demarcq