Malgré les tentatives du lobby pro-nucléaire de nous rassurer sur la sécurité, une seule solution, sortir du nucléaire... et vite ! Six mois après l’accident nucléaire de Fukushima, le camp pro-nucléaire essaye de tourner la page et de faire oublier ce qui n’est pour lui qu’un déboire dû à des conditions météorologiques exceptionnelles. Il est pourtant relativement affaibli. La sortie du nucléaire programmée en Allemagne et en Suisse, le référendum italien qui refuse, à une très large majorité, le recours à cette énergie, le retrait de Siemens de l’industrie nucléaire sont autant de signes, qu’au niveau international, l’avenir du nucléaire est moins rose que ne le laissent penser ses plus fidèles promoteurs.
Côté français, le volontarisme pro-nucléaire est toujours en vigueur chez les industriels et les gouvernants, qui tentent de fourguer leurs réacteurs aux puissances émergentes ou en leur accordant des financements pour la construction de centrales. Un des exemples les plus inquiétants, notamment après Fukushima, des dangers du nucléaire dans les pays du Sud concerne l’Inde. À Jaitapur, en effet, Areva souhaite installer une centrale nucléaire, créant ainsi dans cette région le plus grand complexe nucléaire au monde, alors qu’elle est située sur une zone sismique à haut risque, que l’Inde ne dispose pas d’agence de contrôle du nucléaire indépendante et, qu’elle a refusé de signé le traité de non-prolifération nucléaire. Dans un tel projet, ce n’est pas seulement l’entreprise privée qui est en cause, mais bien l’État français qui, via une agence spécifique, la Coface, assure les financements pour la construction des réacteurs.
Cependant, les partisans du nucléaire ne peuvent pas complètement faire abstraction de l’accident de Fukushima, et l’heure est aux discours sur la sécurité, aux contrôles et autres crash-tests, qui sont autant d’occasions de rassurer les populations. Pourtant, un rapport parlementaire rédigé en juillet dernier met en lumière la perte de la culture de sécurité due à l’usage intensif de la sous-traitance qui, selon les députés (UMP et PS) « aboutit à une opacité potentiellement dommageable pour la sûreté des installations » et conduit à « une dilution extrême des responsabilités ».
Mais remettre en cause la sous-traitance, qui selon EDF se compose tous métiers confondus de 20 000 fournisseurs de personnels, c’est remettre en cause la libéralisation du marché et la concurrence des entreprises, pour favoriser un contrôle de la puissance publique sur l’ensemble de la filière, ce qui n’est guère dans l’air du temps.
Autre épine dans le pied du lobby nucléaire, l’EPR n’en finit pas de causer des problèmes, là encore de sécurité, dus à une perte de savoir-faire, et financiers puisque les députés eux-mêmes sont incapables d’obtenir une évaluation exacte du coût de construction du nouveau réacteur de Flamanville, prévu d’abord à 3 milliards d’euros, puis à 5, si ce n’est plus ; problèmes enfin pour les salariés puisqu’en 2010 l’Agence de sécurité nucléaire a comptabilisé 112 accidents du travail dont un tiers n’avaient pas été déclarés par le constructeur Bouygues. Le débat est ouvertOn voit donc que le nucléaire est à la croisée des chemins, que les interrogations sur son avenir après l’accident de Fukushima, ainsi que les problèmes rencontrés à différents niveaux, permettent d’ouvrir le débat sur la sortie du nucléaire. Ainsi, l’association Negawatt1 vient de rendre public un scénario énergétique jusqu’à 2050, visant à sortir du nucléaire dans 22 ans, tout en diminuant les émissions de CO2 et en créant des emplois. L’intérêt d’un tel scénario est d’essayer de tenir ensemble toutes les dimensions qui touchent à l’énergie, depuis les transports et le logement jusqu’à l’urbanisation et la production d’électricité. Cela illustre d’autant plus la profondeur des changements à apporter qui nécessitent une réorganisation sociale d’ampleur.
Des problèmes demeurent cependant, concernant notamment le rythme de sortie, et en particulier la fermeture des centrales vieillissantes que Négawatt envisage de prolonger, jusqu’à 40 ans de fonctionnement. Par ailleurs, si le scénario Négawatt prône une certaine sobriété énergétique, il interroge peu la part de consommation et de production inutiles ou l’obsolescence programmée de nombreux produits, toutes choses qui pourraient constituer une source importante de réduction de la consommation énergétique.
Mais peut-être le plus gros problème réside-t-il dans une sous-estimation des rapports de forces politiques et économiques permettant d’organiser une telle transition énergétique. Si le scénario Négawatt semble écolo-socialo-compatible, c’est non seulement parce qu’il évoque un rythme de sortie du nucléaire relativement long, mais aussi parce qu’il évite de se prononcer sur la façon de contraindre les grands groupes du secteur énergétique à répondre aux besoins sociaux tout en prenant en charge les contraintes environnementales.
Présenter des solutions techniques ne suffit pas à révolutionner notre modèle énergétique. Et inventer un service public décentralisé, avec des petites unités de production, fonctionnant au sein de régies locales reliées entre elles au sein d’une même entité publique, c’est bel et bien arracher à EDF, Areva, Total et consorts leur pouvoir de nuisance.
C’est dans cette perspective que se situent les propositions du NPA de sortie du nucléaire en dix ans2, et c’est sur cette base que le NPA appelle à participer massivement aux côtés des associations aux manifestations du 15 octobre et à toutes les mobilisations qui suivront.
Vincent Gay 1. www.negawatt.org/2. www.npa2009.org/content/8-pages-npa-comment-sortir-du-nucl%C3%A9airepdf)