La Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA) a donc décidé de s’essayer à un nouveau mode d’action : le blocage des raffineries de pétrole.
Cause de cette colère : l’autorisation gouvernementale donnée à Total d’exploiter une raffinerie à Châteauneuf-les-Martigues (13), destinée à produire des « bio »-carburants à base d’huile de palme, qui viendraient concurrencer la production française de colza destiné à fabriquer du Diester.
L’ombre de Xavier Beulin
Se découvrant soudain une fibre écologique, la FNSEA n’hésite pas à comparer le sort des orangs-outans, dont l’habitat est détruit pour planter des palmeraies, à celui des producteurs français de colza prétendument voués à la mort par cette décision gouvernementale. L’ombre de Xavier Beulin, qui dirigeait la FNSEA et le groupe Avril jusqu’à sa mort en 2017 plane toujours sur le syndicat agricole. Les agrocarburants sont une poule aux œufs d’or pour Avril et ses 7 milliards d’euros de chiffre d’affaires. Grâce aux aides européennes et françaises ainsi qu’à la défiscalisation, le groupe transforme la moitié de la production de colza et de tournesol pour faire du carburant. En toute hypocrisie, le groupe n’hésite pas à y adjoindre de… l’huile de palme.
Ces carburants, qu’ils soient produits à partir d’huile française ou étrangère, sont des nécrocarburants. Des milliers de petits paysans sont expropriés. Les terres utilisées ne sont plus disponibles pour l’alimentation humaine, il faut donc détruire toujours plus de forêts. De plus le bilan carbone de ces carburants est catastrophique, il est plus « écologique » de brûler du diesel que du Diester, sans parler des pesticides utilisés pour la culture du colza.
Un conflit entre deux groupes capitalistes
Comme toujours la FNSEA défend avant tout les rentes des gros céréaliers. Pour mobiliser sa base, elle présente l’agriculture française en victime d’importations biaisées parce que la France aurait des normes plus strictes que la plupart des autres pays. C’est sans doute à cause de ces mêmes normes que la France est le premier utilisateur de pesticides en Europe ! Elle prétend aussi que la culture du colza est essentielle car les éleveurs auraient besoin de tourteaux1 de colza pour nourrir leur bétail. Mais ce sont surtout les élevages industriels de bovins qui utilisent ces tourteaux, en particulier les élevages laitiers. Ces arguments ne sont pas plus convaincants que la vidéo promotionnelle que la FNSEA a réalisée pour mettre en avant le rôle positif de l’agriculture française sur les paysages et dont les images ont été prises en… Espagne, Serbie, Royaume-Uni, Bulgarie, USA…
Ce que la FNSEA essaie de nous présenter comme une lutte d’agriculteurs est en fait un conflit entre deux groupes capitalistes : Avril et Total. Et c’est le groupe pétrochimique qui a gagné, n’hésitant pas au passage à mettre en avant sa politique « écologique » et « sociale » (les emplois). Hulot n’a pas pris la décision « de gaité de cœur » mais ce n’est pas la première fois qu’il cède devant les pétroliers. Il a beau essayer de faire diversion en vantant les bienfaits des voitures à hydrogène tandis que Macron fanfaronne sur sa volonté de rendre sa « grandeur » à la planète, la politique environnementale de ce gouvernement n’a rien à envier à celle de Sarkozy ou Hollande.
Commission nationale écologie
- 1. Tourteau : résidu du pressage des graines après que l’on a extrait l’huile.