Pour le commun des mortels, la contagion correspond au risque qu’une maladie se transmette d’une personne à une autre. On doit sans doute aux conseillers en communication de Mario Draghi, le président de la Banque centrale européenne (BCE), une nouvelle expression : « contagion positive ». En tout cas, au Forum économique mondial de Davos qui a eu lieu fin janvier, il n’arrêtait pas de l’utiliser. Quant à Hollande, il déclarait il y a quelques semaines que la crise de la zone Euro était « derrière nous »…Du côté financier, États et banques centrales ont depuis 2008 déversé des milliards pour sauver les banques, aussi bien en Europe qu’aux États-Unis. Et ceci sans contrepartie, le caractère dérisoire du projet de loi bancaire élaboré par le gouvernement français en est une nouvelle illustration. Cet argent se traduit dans une très faible mesure par des crédits aux entreprises et alimente surtout la sphère financière avec les prêts aux États endettés et la Bourse.Les grands indices boursiers mondiaux ont ainsi tous terminé 2012 à un niveau plus élevé qu’au début de l’année. Comme la crise paraît momentanément stabilisée, les financiers achètent des actions pensant qu’elles peuvent monter, d’autant que les dividendes distribués par les entreprises sont élevés : 40,9 milliards, soit + 5 % par rapport à 2011 pour les entreprises du CAC 40.Zone euro : récession et nouveaux craquements bancairesPar contre, du côté de la production, c’est moins flamboyant. Certes, selon les dernières estimations du FMI publiées le 23 janvier dernier, aucune catastrophe ne se profile à l’horizon (mais le FMI peut se tromper…). Les économies chinoise, indienne et plus généralement asiatique accélèrent à nouveau tandis que l'économie brésilienne redémarre ; les USA ralentissent mais peu, et l’Euro tient le choc, pour l’instant. Mais si l’Euro paraît sauvé, l’année prochaine, l’ensemble de la zone Euro sera selon le FMI en récession avec un fort ralentissement de la croissance allemande. Et les points de fragilité demeurent : les banques ne prêtent au secteur privé qu’à des taux élevés et les incertitudes demeurent sur leurs comptes où subsistent des créances pourries de diverses natures. Par exemple, le Crédit agricole vient ainsi d’annoncer qu’il devait faire un peu du ménage dans ses comptes parce qu’il avait acheté un peu n’importe quoi à n’importe quel prix (d’où une charge de 3,8 milliards d’euros pour le seul 4e trimestre 2012). Aux Pays-Bas, l’État doit intervenir d’urgence (nationalisation provisoire ?) pour sauver le groupe financier SNS Reaal, la 4e institution financière de ce pays, plombé par les pertes de sa filiale immobilière. En Italie, la Banca Monte dei Paschi di Siena, troisième banque du pays, est aux abois.Les peuples payent la factureQuant aux populations, elles continuent de payer la crise. Aux États-Unis, les créations d’emplois sont insuffisantes pour faire baisser le chômage. 12,3 millions de personnes sont officiellement au chômage en janvier 2013, auxquels il faut y ajouter 2,4 millions de chômeurs non inscrits et 8 millions de personnes à temps partiel alors qu’elles voudraient travailler à temps plein. En conséquence, en janvier 2013, près de 15 % des Américains se trouvent en situation de chômage total et de sous-emploi. Le taux de chômage officiel est de 7,9 % en janvier 2013, contre 9,1 % en 2011, et pour l’économiste Paul Krugman, cette baisse renvoie à l’augmentation du nombre des chômeurs découragés de s’inscrire. Dans la zone Euro, en décembre dernier, le taux de chômage était de 11,7 % contre 10,7 % fin 2011.Chômage de masse et blocage du pouvoir d’achat sont le lot des classes populaires européennes, la Grèce et l’Espagne étant dans les situations les plus dramatiques. Un dernier indice : en 2012, en France, le principal moteur de la croissance, la consommation des ménages en produits agro-alimentaires et industriels a baissé de 0,2 % en 2012. Pour les seuls produits industriels, le recul est de 0,8 %, soit la plus forte baisse depuis 1993.Pour résumer, en ce début 2013, la politique suivie en France et dans les autres pays continue de profiter aux classes dominantes et à la finance – la « contagion positive » de Draghi – et la grande masse de la population en fait encore et toujours les frais : la contagion négative !Henri Wilno
Crédit Photo
Photothèque Rouge/Marc